20041220

le capital n'a pas de valeur morale

alors qu'aux extrémités du spectre politique chrétien (au québec, de louis cornellier à jean renaud), on tente de nous faire croire à la disparition des valeurs chrétiennes pour conforter leurs dérives - nationaliste pour l'un, fondamentaliste pour l'autre, il est grand temps de répondre de façon plus musclée à cette démagogie.

premièrement, à ces mélancoliques "intellectuels", j'aimerais souligner que cette vie perdue de pur amour et de moralité absolue, imbibée de l'haleine chaude du divin père créateur a un nom dans le canon chrétien: l'éden. et que - selon ces croyances - nous en sommes privés depuis l'aube des temps. dans toutes ces râleries de vieux gâteux, on tente d'entretenir cette impression vague qu'hypocrisie, lâchetée, mensonge, meurtre et viol ont été inventés par de vilains marxistes drogués des années soixante. "aaahhh! AVANT nous étions moralement bons!"

deuxièmement, j'en ai assez de cette schizophrénie collective qui consiste à appuyer du boût des lèvres les récriminations des chrétiens ("mais, au fond, c'est vrai que les filles s'habillent de façon vulgaire, que les jeunes ne respectent plus rien, que les familles ne sont plus ce qu'elle étaient...") en feignant de s'appercevoir que ce sont les plus fervents partisants de la droite qui sont responsables de l'émission massive de ces valeurs supposément immorales (comme fox, peut-être?). et cette hypocrisie des croyants est justement la cause des problèmes sociaux auquels nous faisons face en amérique. cette hypocrisie qui vit par et pour l'argent.

un exemple plus que frappant nous est donné par le documentariste nick broomfield avec aileen: life and death of a serial killer, un documentaire sur la femme qui a inspiré le film holywoodien "monster".

battue et violée par sa famille autant que par ses voisins, aileen, enceite à 13 ans, est ostracisée dans sa petite communauté du michigan et forcée de vivre dans les bois (mentionnons au passage qu'elle y rencontre un homosexuel, lui aussi forcé de vivre dans la forêt). une vie de prostitution est tout ce qui s'offre désormais à elle. elle ne sortira jamais de cette vie d'abus et elle n'aura finalement aucun problème moral à assasiner des clients qui auront été particulièrement cruels avec elle, dans le but simple de se venger et de les voler. arrêtée, elle est condamnée à la peine de mort à la suite d'un procès hautement médiatisé, car elle est, par le nombre de ses "victimes", la première "tueuse en série" américaine.

le plus dégoûtant dans toute l'histoire, ce ne sont pas les viols et les sévices, ni même les meurtres. non, c'est que son avocat, sa mère born-again et la police ont conspiré pour vendre son "histoire" à hollywood et que les témoins ont été interrogés en conséquence. aileen a toujours admis avoir tué ses victimes, mais en légitime défense et qu'elle les avait aussi volés. après 12 ans dans le couloir de la mort, paranoïaque et malade, elle veut mourir. elle acepte de changer son histoire pour accélérer sa mise à mort. le gouverneur de la floride, jeb bush, n'en est que trop heureux.

la droite dénonce le sexe et diffuse à son profit de l'érotisme patriarcal a plein canal - par la suite, pour tout support "moral" une fille enceinte ne trouve que des invectives. elle considère que la science n'est qu'une opinion mais ne voit aucune contradiction à utiliser l'arme nucléaire. elle détruit sciemment les conditions de vie de tous et s'indigne de la moindre opposition, même verbale. et nous sommes supposés regretter la disparition des valeurs chrétiennes? mais oui, celles-là même qu'on abandonnés les chrétiens depuis longtemps: tolérance, respect, humilité.

sinon, ces véritables valeurs chrétiennes dont on tente de nous faire croire la disparition sont bel et bien là autour de nous, omniprésentes: hypocrisie, dogmatisme et pharisaïsme. je termine avec cet intéressant échange entre le journaliste russell mokhiber et l'attaché de presse du président bush, scott mcclellan:

white house press briefing with scott mcclellan

russell mokhiber: scott, on the middle east - many evangelical christians in the united states are supporting right-wing jews in israel who want to rebuild the temple on the temple mount in jerusalem. they (evangelical christians) believe this is a prerequisite for christ's return to earth.

they believe that when christ returns to earth - they call this the rapture - he will take back with him the true believers. and the rest - the non believers - jews, muslims - will be left behind to face a violent death here on earth.

my question is, as a born again christian, does the president support efforts to rebuild the temple on the temple mount?


scott mclellan: russ, we can sit here and talk about religious issues. i will be glad to take your question, and if there is more, i will get back to you on that.

mokhiber: is he a born again christian?

scott mclellan: thank you. (mclellan abruptly ends the press briefing and walks out.)

20041217

le virus qu'il nous faut

j'espère que vous en avez entendu parler: un représentant républicain de l'alabama veut interdire aux bibliothèques et établissements d'enseignement d'utiliser de l'argent public pour acquérir de la littérature dite "homosexuelle" (écrite par un homosexuel ou bien qui mentionne l'homosexualité, peu importe le sujet ou le type d'ouvrage). un dans un article publié par the guardian, gary taylor raconte sa rencontre avec cet haineux: "gerald allen's book-burying opinions are not a joke. earlier this week, allen got a call from washington. he will be meeting with president bush on monday. i asked him if this was his first invitation to the white house. 'oh no,' he laughs. 'it's my fifth meeting with mr bush.'

bush is interested in allen's opinions because allen is an elected republican representative in the alabama state legislature. he is bush's base. last week, bush's base introduced a bill that would ban the use of state funds to purchase any books or other materials that 'promote homosexuality'. allen does not want taxpayers' money to support 'positive depictions of homosexuality as an alternative lifestyle'. that's why tennessee williams and alice walker have got to go.
"

notre vieil homo libertaire préféré, l'écrivain william burroughs, fait définitivement partie de ceux appelés à disparaître. et ils ont raison de craindre sa prose: elle est l'antidote idéal aux virus de la peur et de la foi que tentent de nous refiler ces vieux républicains hypocrites. dans cet extrait de the place of dead roads, une solution typiquement burroughs est évoquée pour se débarasser des dévots hypocrites:

"consider the menace potential posed to you and your compadres by decent churchgoing folk… you want to take care of these vermin without endangering your fellow johnsons. now, what characterizes these shits? they have to be right. they need the approval of others. both needs are so constant and so compulsive as to assume the proportion of biological needs like the need of an addiet for morphine… a page from the denver post passed through his mind… pet owners panicked by mysterious dog deaths… a new disease it seems. confined to dogs… man made dogs in his own lousiest image… dogs exhibit all the worst characteristics of human animals. they are fawning, filthy, vicious, servile; literally convulsed by their need for approval just like a religious lawman fawning on the lord and fingering his nigger notches. a dog bas to be RIGHT. he is RIGHT to bite someone who bas no right to be in that yard, that house… well if it attacks dogs, chances are good it will attack human dogs, right in their ugly, snarling, ingratiating, cop-loving, priest-loving, boss-loving, god-loving, epicenter, the vile groveling worshipers of the slave gods. when a disease agent moves from one host species to another, with no natural immunity to that strain, the agent can become incomparably more efficient. and this can be accomplished with rather rudimentary tinkering… most attempts at germ warfare, in fact, start with animal diseases like glanders, parrot fever, anthrax. kim paused to reflect that a plant virus, once it got root in human soil, might produce a garden of eden while you wait… a paradise consisting of plants and fertilizer.

we have a virus which we may term the RIGHT VIRUS already occupying the target. we have a disease agent k9 programmed to attack selectively any host occupied by r.v. our agent k9 is further linked with d.o. the death organism. just formulate the thought "I AM RIGHT" and YOU ARE DEAD.

kim made a code note at the bottom of the page… meaning follow up on this when conditions for doing so become available, in this case a laboratory and technicians.

p.s.: we could give it to them at their
deadly church suppers." (william s burroughs, the place of dead roads, 1983, p. 26-27)

20041202

la tempérance partout, sauf en religion...

un très bon ami me faisait remarquer que le mandat "athéiste" de mon blog était bien rempli. en effet, suite à la ré-élection de bush, j'ai porté mon attention davantage sur l’explosion au grand jour du fanatisme religieux en amérique que sur l'art "qui nous est contemporain" ou bien ce vieil épictète.

et pourtant, le gentil ascète à la jambe brisée ne nous rappelle-t'il pas constamment que "si tu crois tien ce qui t'appartient en propre, et étranger ce qui est à autrui, jamais personne ne te forcera à faire ce que tu ne veux point, ni ne t'empêchera de faire ce que tu veux; tu ne te plaindras de personne; tu n'accuseras personne; tu ne feras rien, pas même la plus petite chose, malgré toi; personne ne te fera aucun mal, et tu n'auras point d'ennemi, car il ne t'arrivera rien de nuisible"?

malheureusement, les vociférateurs croyants d'aujourd'hui ne se suffisent pas d'eux-mêmes, loin de là. ils veulent délibérément imposer à tous leurs choix illogiques dictés par l'ignorance et la peur. j'en veux pour preuve les propos de john stott, membre éminent du mouvement évangélique, rapportés par david brooks dans le new york times du 30 novembre dans sa lettre d'opinion who is john stott?. lisez plutôt: "most important, he does not believe truth is plural. he does not believe in relativizing good and evil or that all faiths are independently valid, or that truth is something humans are working toward. instead, truth has been revealed. as he writes: 'it is not because we are ultra-conservative, or obscurantist, or reactionary or the other horrid things which we are sometimes said to be. it is rather because we love jesus christ, and because we are determined, god helping us, to bear witness to his unique glory and absolute sufficiency. in christ and in the biblical witness to christ god's revelation is complete; to add any words of our own to his finished work is derogatory to christ.'"

stott est l'un des principaux rédacteurs de la déclaration de lausanne (the lausanne covenant), texte fondateur du renouveau évangélique, issue du colloque du même nom, tenu en 1974 sous la direction du pasteur billy graham.

il peut sembler injuste de le dire, et difficile de comprendre à quel point nos mécanismes de défense usuels sont inapplicables dans ces circonstances, mais il s'agit de gens avec qui toute discussion est, par la définition même de leur foi, impossible.

cette déclaration s'ouvre sur la définition de l'action à entreprendre: "proclamer cet evangile à l'humanite entière et faire de toutes les nations des disciples" - on repassera pour le respect des diversités culturelles; notez également qu'il s'agit d'un évangile précis, et qu'on ne parle pas ici d'œcuménisme (que le dictionnaire du christianisme définit comme étant le "mouvement favorable à l’unité des chrétiens. plus généralement, tolérances et compréhension entre les différentes religions ou idéologies.").

ensuite, confronté aux abus économiques et sociaux bien documentés qu'on fait subir ce peuple de riches blancs aux autres membres de l'humanité, le texte précise: "là aussi nous reconnaissons avec humilité que nous avons été négligents et que nous avons parfois considéré l'évangélisation et l'action sociale comme s'excluant l'une l'autre." mais on revient rapidement au dogme: "la réconciliation de l'homme avec l'homme n'est pas la réconciliation de l'homme avec dieu, l'action sociale n'est pas l'évangélisation, et le salut n'est pas une libération politique."

le texte est truffé de contradictions propre aux fanatismes. par exemple, sur le sujet de la culture, la déclaration affirme: "l'homme est une créature de dieu, c'est pourquoi certains aspects de sa culture sont empreints de beauté et de bonté. cependant, il est également une créature déchue, c'est pourquoi elle est aussi entachée de péché et porte même parfois des traces d'influence démoniaque. l'evangile ne présuppose nullement la supériorite d'une culture par rapport à une autre, mais il les évalue toutes d'après ses propres critères de vérité et de justice." hum... ils ne présupposent aucune supériorité culturelle, mais jugeront de la pertinance de celle des autres à l'aune de la leur...

je ne vous recommande pas la lecture de ce texte. par contre, cet hilarant comic book des années soixante, this godless communism, illustre parfaitement que ce à quoi nous faisons face n'est pas nouveau, mais plutôt une enième incarnation de la haine et la peur entretenue par certains pour assurer leur domination sur plusieurs. vous noterez l'habile et délibérée utilisation de demi-vérités pour enrober les plus flagrants mensonges, par exemple: "november 7, 1917 - communists seize petrograd.. a revolution was directed by a small group of men who urged the people to attack their representative government." des heures de rire en famille!

20041124

apocalypse (presque) maintenant

j'ai lu récemment le bestseller "da vinci code". quiconque a déjà lu quelques livres d'aventure du type reconnaît la structure américain-à-l'étranger-impliqué-dans-une-enquête-qui-le-dépasse (robert ludlum est l'exemple qui me vient en tête). ce qui semble avoir frappé l'imagination populaire, c'est l'utilisation de la richesse symbolique chrétienne comme élément d'exotisme. pourtant, elle demeure excessivement superficielle, alors même que les péripéties devraient s'en nourrir. le meilleur exemple d'utilisation de la richesse symbolique et artistique chrétienne comme ressort narratif reste selon moi il nome della rosa (the name of the rose / le nom de la rose) écrit par umberto eco. le mélange de vérités et d'artifices littéraires est semblable, mais où eco insuffle à sa prose l'hermétisme propre aux sources d'inspirations, brown se promène dans les larges allées pavées de la vulgarisation "discovery channel".

ce qui m'embête, c'est que pour le nord-américain moyen, toutes les références du livre à l'histoire de l'art en général et à la symbolique chrétienne en particulier apparaîssent tout aussi relatives que les péripéties loufoques que dan brown tisse autour du tombeau de marie-madeleine. selon moi, il s'agit d'un facteur similaire qui explique l'acceptation franche et totale du dogme par les chrétiens fondamentalistes: cette absence de culture (ou devrais-je dire: relativisation des savoirs dans un but de contrôle social) plonge le nord-américain moyen dans une perpétuelle suite de crédulités frustrées jusqu'au jour où il se radicalise et s'enferme dans une confortable certitude, peut-importe laquelle (le racisme, le port d'armes, l'argent). cette relativisation pernicieuse a des répercussions aux deux côtés du spectre social: du paganisme soft de brown aux fondamentalisme chrétien raciste de lahaye et jenkins, auteurs de l'immensément populaire série apocalyptique "left behind".

amusante "synchronicité apophénique": alors que j'avais l'intention d'utiliser cet exemple pour lier les quelques éléments que je voulais aborder à propos des fondamentalistes chrétiens aux états-unis, nicholas kristof du new york times abordait justement aujourd'hui le sujet dans sa chronique apocalypse (almost) now: "if saudi arabians wrote an islamic version of this series, we would furiously demand that sensible muslims repudiate such hatemongering. we should hold ourselves to the same standard. tim lahaye and jerry jenkins, the co-authors of the series, have both e-mailed me (after i wrote about the 'left behind' series in july) to protest that their books do not 'celebrate' the slaughter of non-christians but simply present the painful reality of scripture. 'we can't read it some other way just because it sounds exclusivistic and not currently politically correct,' mr. jenkins said in an e-mail. 'that's our crucible, an offensive and divisive message in an age of plurality and tolerance.' silly me. i'd forgotten the passage in the bible about how jesus intends to roast everyone from the good samaritan to gandhi in everlasting fire, simply because they weren't born-again christians. i accept that mr. jenkins and mr. lahaye are sincere. (they base their conclusions on john 3.) but i've sat down in pakistani and iraqi mosques with muslim fundamentalists, and they offered the same defense: they're just applying god's word."

on mentionne rarement que le co-auteur de la série, le pasteur tim lahaye, en plus d'être un prédicateur très influent, est également le fondateur d'un think-tank fondamentaliste très discret, le council for national policy. parmis ses membres: les révérends jerry falwell et pat robertson (lui aussi auteur d'un roman apocalyptique), tom delay (leader de la majorité sénatoriale républicaine et récemment encore accusé de trafic d'influence), oliver north (ce bon colonel qui avait accepté le blâme pour reagan dans le scandale cia / contras nicaraguaiens / trafic de drogue), un influent chrétien reconstructionniste (*), r.j. rushdoony et aussi, même, john ashcroft!
(* le reconstructionnisme chrétien est une doctrine qui proclame que toute activité touchée par le "péché" doit être "reconstruite" par la bible -- si vous vous rappelez bien, lors du deuxième débat présidentiel, george w. bush a parlé de nommer à la cour suprème des états-unis, non pas de mauvais "juges activistes" mais de bons "juges constructionnistes"... et ce n'est que l'une des centaines de subtilités politiques adressées spécifiquement aux électeurs fondamentalistes par le biais d'un vocabulaire "occulte", c'est à dire dont le véritable sens est caché à la multitude).

en terminant, je vous suggère deux intéressantes critiques. premièrement, edmund d. cohen met en parallèle cette série avec l'ouvrage néo-nazi qui a inspiré le responsable de l'attentat d'oklahoma city, timothy mcveigh, dans sa critique review of the "left behind" tribulation novels: turner diaries lite. il y trace clairement les similitudes qui relient les deux oeuvres: héros évangélique, ennemi déshumanisé, destruction massive justifiée par la promesse de siècles heureux dans l'homogénéité, chrétienne pour l'un, aryenne pour l'autre.

finalement, hugh urban décrit les troublants rapprochements culturels entre la vision de l'apocalypse véhiculée par "left behind" et la stratégie hégémonique des néo-consevateurs dans bush, the neocons and evangelical christian fiction: "the two narratives that i was reading here -- the neocon's aggressive foreign policy, centered around the middle east, and the christian evangelical story of the immanent return of christ in the holy land -- struck me as weirdly similar and disturbingly parallel. the former openly advocates a 'new american century' and a 'benevolent hegemony' of the globe by u.s. power, inaugurated by the invasion of iraq, while the latter predicts a new millennium of divine rule ushered in by apocalyptic war, first in babylon and then in jerusalem. [...] as amy frykholm has argued in her study of the series, rapture culture, the left behind books contain a strong political message and a 'conservative, patriarchal, even racist agenda that mirrors the agenda of the christ right.' on the domestic front, lahaye's books advance a strong pro-life message, while targeting feminism and homosexuality as instruments of the antichrist. [...] the entire series, moreover, contains a disturbing kind of anti-semitism, portraying israel as too stubborn to recognize jesus as the messiah, while making heroes of jewish converts to christianity. [...] the washington post reported that 'pat robertson's resignation this month as president of the christian coalition confirmed the ascendance of a new leader of the religious right in america: george w. bush.' in the words of ralph reed, the christian coalition's former president, 'god knew something we didn't. he had a knowledge nobody else had: he knew george bush had the ability to lead in this compelling way.'"

"god knew something we didn't", je crois que nous sommes plusieurs millions à savoir ce qu'ils ignorent...

20041123

félicitations

un petit suivi à propos de l'usine de munition québécoise snc technologies et mes félicitations aux participant.e.s de cette action.

petit rappel aux employé.e.s de snc-lavalin: "les employé.e.s de la compagnie montréalaise snc-lavalin ont eu toute une surprise en découvrant hier sur les murs des salles de bain du siège social de l'entreprise une dizaine de photographies explicites montrant des scènes de torture, de mort et de brutalité extrême survenues en irak occupée depuis l'invasion du pays au printemps 2003. sur les photographies, quelques mots: 'ton job? ma vie!'. puis, la phrase suivante: 'les munitions snc tuent des enfants irakiens.' et des photos de la prison abou ghraïb avec la mention suivante: 'n'oublions jamais.'

les murs de snc ont été tapissés de ces photos dans le but de rendre visible la réalité de snc-lavalin, pour démasquer leur hypocrisie. les employé.e.s de l'entreprise n'auront alors d'autre choix que celui de confronter leurs certitudes. ils peuvent toujours détourner les yeux devant les manifestations souvent organisées au consulat des états-unis qui se trouve dans l'édifice de snc. mais cette action, qui frappe beaucoup plus près, les place dans une position qui force une réaction. une réaction qui sera peut-être de courte durée, mais qui montre bien la nécéssité de continuer à agir efficacement contre les institutions qui créent et qui profitent des occupations" (centre des médias alternatifs du québec)

20041119

dino, le raciste créationniste

ces jours-ci, je n'ai pas pu écrire aussi souvent que je le désirais. je paufine pourtant deux articles que je livrerai au début de la semaine prochaine: un sur ces "valeurs morales" et leurs très influents promoteurs et un autre sur victor klemperer, william shirer et les leçons très actuelles que nous enseignent ces dénonciateurs de la propagande nazie. en passant, je vous recommande le documentaire de stan neumann, la langue ne ment pas, basé sur le journal personnel de klemperer, professeur de dresde, une bonne introduction au sujet.

non, je ne vois pas des nazis partout et je sais faire la part des choses. avoir la foi ne fait pas de quelqu'un un fanatique et, depuis la semaine dernière, beaucoup de chrétiens américains élèvent leur voix pour dénoncer l'hypocrisie de certains qui se vantent de leur "valeurs morales" mais se réjouissent des massacres de falloujah.

à une amie belge exaspérée d'avoir à toujours expliquer et défendre ses positions nihilistes quand elle s'exprime en public, j'ai confié comprendre sa fatigue parce qu'on demande toujours aux athés de respecter ceux qui ont la foi mais qu'on ne s'attend jamais à l'inverse. il y a tout de même des limites au delà desquelles on peut vraiment exprimer un sain mépris. prenez cet exemple, soulevé par le columnist du magazine time leon jaroff dans son article faith-based parks?. l'administration bush force les boutiques de souvenirs le long du grand canyon à vendre un livre qui "explique" le canyon selon la "logique" créationniste. mon amusement s'est transformé en colère quand je suis allé visiter le site web du parc d'attraction dinosaur adventure land, également mentionné au début de l'article.

d'emblée, l'interface pré-copernicienne propose une terre plate autour de laquelle les astres se déplacent. une animation flash déguisée en vidéo éducatif sur le big bang est plutôt une leçon sur comment les enfants de parents créationnistes peuvent faire obstruction à l'enseignement de l'histoire naturelle la plus élémentaire. il y a quelques faits sur les dinosaures (du type, "certains sont herbivores"). mais c'est sous la rubrique "comics, read the funnies, they're funny!" que j'ai découvert la plus abjecte blague raciste: avec la légende the untold truth about evolution on présente l'image répétée d'un chimpanzé en parallèle avec l'image répétée d'un afro-américain!

le créationnisme n'est pas la position majoritaire des croyants et encore moins une science. mais la science n'est pas une "opinion parmi d'autres", même si certains ont depuis toujours tenté d'en manipuler les conclusions pratiques. mais l'ignorance, même si elle explique bien des comportements, n'excusera jamais de tels ânneries.

20041111

nous participons à cette guerre

du québec, il est très facile de tomber dans le piège d'une certaine condescendance envers les états-unis. commencons par une série étourdissante de parenthèses: depuis la "généralisation" de la résistance à la mondialisation imperialiste (pris dans le sens d'une acceptation de certains termes du débat par une portion élargie de la population, entre autre grâce aux multiples manifestations altermondialistes), et malgré un certain effondrement de l'agenda suite aux attentats de new-york (et, suite aux frappes en afghanistan et à l'occupation de l'irak, à la priorisation du pacifisme sur les aspects économique de la résistance), il est généralement accepté dans la population québécoise (au grand dam de l'aréopage moraliste des rioux, bombardier et consorts) que la résistance à l'impérialisme économique américain implique une tentative civile d'obstruction à ses actions militaires.

je suis de ceux qui furent soulagés par les manifestions monstres qui se sont tenues avec l'objectif d'influencer cet agenda militaire, malgré l'évidente inutilité de celles qui se tenaient à l'extérieur des états-unis. par contre, une fois le conflit irakien engagé, cet effort s'est transformé en une complaisante condescendance: "ils n'écoutent rien, nous avons été assez clair, tant pis pour eux!". ce soulagement est en complète contradiction avec une réalité qui aurait du rester présente à l'esprit des membres du mouvement anti-guerre et anti-capitaliste: la guerre se déroule en asie du sud-ouest, mais comme toute activité du grand capital américain, la production se fait un peu partout ailleurs. comme, par exemple, à le gardeur, en périphérie de montréal.

oui monsieur! snc technologies, une division de snc-lavalin basée à le gardeur, produit des munitions pour la défense américaine en participant a un consortium auquel s'est joint également les compagnies winchester et israel military industries ltd. et ce n'est pas un média canadien ou québécois nous révèle que nous participons à cette guerre, mais la lettre d'information américaine counterpunch dans un article de matthew behrens daté du 6 octobre 2004, abstaining only in concept from war: canadian firms soaked in iraqi and afghan blood: "a quebec-based weapons firm sealed a deal which will ensure that every time iraqi or afghani blood is shed, a canadian-made bullet will be one of the prime suspects. [...] snc tec produces the tools by which murders are committed, individually or on a mass scale. they make over 100 types of ammunition, both for training to kill and for killing itself. from the 5.56 mm "non-toxic improved penetrator cartridge" (which presumably does not give cancer to the individual whose insides are torn apart by the bullet) to the ".50 caliber sniper elite and target radar augmented projectiles," snc boasts of a "creative r&d and engineering team" to fill what they call the "niche" in the world murder market. it is one of numerous contracts which canadian war firms are picking up to support current u.s. invasions, occupations, and other illegal maneuvers under the guise of fighting terrorism." un article que je vous recommande fortement. on y apprend également qu'en dépit d'un embargo canadien sur la vente d'armes au pakistan, des hélicoptères fabriqués à mirabel seront livrés au régime de pervez musharraf.

cette guerre s'approvisionne chez nous, nous n'avons pas de leçons à donner.

20041104

ne perdez pas espoir!

il tente de convertir des lions, et se fait mordre

un homme qui tentait de convertir les lions du zoo de taipeh au christianisme s'est fait mordre. [...] l'audacieux missionnaire, âgé de 46 ans, s'est introduit mercredi dans l'enclos occupé par deux lions africains et leur a adressé la parole.
"jésus vous sauvera", leur a-t-il lancé, les deux mains tendues vers les animaux. "venez me mordre." l'un des fauves, un gros mâle hirsute, a obtempéré [...]

20041103

an open letter to my american friends

to todd, eryck, kaia and all the other progressive minds in the united states of america: do not despair. i know you will spend the next days drowned in the gloating of political pundits and the smirks of conservative co-workers or neighbours but do not despair.

we, who are living outside your country, witness the uphill battle you face now. the young voters did not bother to vote, right-wing christians turned out even more massively for the republicans than they did in 2000 and families who face the daily burden of economic injustices have voted against their class interest.

i want to tell you that you are not alone. even here, in canada, and elsewhere across the world, we are facing the same economic model, the same fanatism, the same war on openmindness and freedom of choice. your battle is the most important battle because of the might of your national army but at the same time, your battle is one of the least important because you have eaten today, your neighbourhood will not be bombed and you can still voice your opposition to what is happening.

please excuse this little admonishment, i just want to make sure you will not stop fighting - even if you will need a small rest after this 9 month long campain.

but, right now, as a friend living in canada, there are two important issues in which i can make a difference and those two issues are the reason why i write this open letter.

firstly, i seriously fear you will be drafted. during the vietnam war, american deserters automatically obtained asylum in canada. that was changed very recently when canada adopted its own clone of the patriot act. currently, two american soldiers who refused to serve in irak and fled to canada are facing administrative courts in toronto. i pledge to you that, even against the laws of my country, i will help you and your friends avoid a draft. we will welcome you with open arms if you wish to escape that terrible fate. you do not have to die for an injust war.

secondly, with supreme court justice rehnquist already ill and others waiting to step down, we know for sure that abortion will be again outlawed and that gays will suffer an increased persecution. these social issues are dealt with very differently here in canada. very soon, gay marriages will be fully legal here. the same pledge i made for deserters applies to young women who will face an unwanted pregnancy: we have good, safe and very affordable clinics here and we will do everything we can to help you live a life freed from bigotry and hate.

i am not encouraging you to abandon your country to its fanatic nightmare. you have plenty of resources and opportunitues to fight back and help your fellow citizens live a more fulfilling life. but when you will face difficult individual choices and you will feel despaired, remember that your are not alone and that we are here to help you survive.

with all my friendship and compassion,
a_dontigny, montreal, canada

bienvenue au xxie siècle!

il y a quelques instants, le candidat démocrate concédait la victoire au président bush. on peut être tenté, en comparant les résultats d'aujourd'hui à ceux de l'élection précédente, de se dire que rien ne change vraiment - la guerre continue, l'environnement se dégrade, les injustices économiques demeurent insurmontables, l'espace social reste pollué de sophismes et de démagogie - cela reste une façon de ne pas perdre la face devant cet incroyable résultat: le candidat même qui, en 2000, a perdu le vote populaire et gagné l'élection par une décision de la cour suprème vient de remporter le vote populaire en plus des nécessaires collèges électoraux pour sa présidence. de plus, son parti retient la chambre des représentant, remporte le sénat, gagne la majorité des postes de gouverneurs et nommera de un à trois juges à la cour suprème des états-unis. nous sommes très loin de l'élection de 2000. car si l'on pouvait encore voir dans les résultats de 2000 une simple manipulation des médias de masse et des procédures électorales, nous sommes forcés d'admettre qu'en 2004, il s'agit d'un choix délibéré des électeurs américains. 51% d'entre eux veulent nous imposer leur féodalité de force, 49% d'entre eux ont dès maintenant besoin de notre aide. entre autres, nous devons faire pression dès aujourd'hui pour que les déserteurs américains bénificient du droit d'asile au canada.

20041102

pas d'inquiétude

hier soir, bob woodward a révélé l'issue du scrutin d'aujourd'hui à larry king:

king: and bob woodward, 20 seconds, who's going to win?
woodward: you know, obviously, i think it's possible, again, it's a tie. i also think it's possible that this time president bush would win the popular vote and lose the electoral vote. i also think it's possible either kerry or bush could win by as much as 5 percent. i really think the voters decide this, not us.
mitchell: well, he's covered all the bases.
king: you got it covered.
mitchell: no matter what happens, bob woodward can say, i predicted it.
king: that's how you win a pulitzer.
(laughter)

20041101

antiaméricanisme secondaire

la semaine dernière, christian "9/11" rioux et denise "vertu" bombardier discutaient "antiaméricanisme" sur les ondes télé-québec (sans commentaire). dans les différentes sections culturelles des quotidiens et hebdomadaires de la province, la parution du nouvel album de loco locass leur permettait d'affirmer aux journalistes qu'ils étaient fièrement "antiaméricains". au cours des dernières années d'hostilités au moyent-orient j'ai entendu cet épithète utilisé maintes et maintes fois, le plus souvent par les commentateurs de la droite: envers les occidentaux opposés au conflit vengeur, comme seule motivation possible aux résistances armées dans la région, mais généralement en tant insulte condescendante (remplacant ainsi le désuet "communiste").

jusqu'à présent, je ne m'imaginais pas que des gens à gauche puisse reprendre l'épithète à leur compte. comment pourrait-on être assez stupide pour confirmer les prétentions de la droite à toujours "délimiter le sujet" (adaptation française pas très efficace de to frame the issue) en adoptant cette non-étiquette? car j'ai un problème fondamental avec ce qu'on tente de définir par "antiaméricanisme", de la gauche comme de la droite.

mais avant toute chose: si quelqu'un croit que la provenance géographique peut à elle seule définir l'opinion qu'on a d'un individu, c'est un imbécile. si cet individu se dit "de droite", c'est un imbécile conséquent. si cet individu se dit "de gauche", c'est un imbécile à qui il faut expliquer (très très lentement) qu'une révolution "de gauche" à 270 degré, c'est "la droite" (non, pas celle-là, ton autre main... ah, laisse tomber...)

selon moi, le principal problème de ce qu'on appelle "antiaméricanisme" réside dans l'ambiguité du ressentiment. en effet, si quelqu'un est "antiaméricain" parce qu'il s'oppose aux guerres territoriales, à la destruction des écosytèmes, etc. alors il n'est pas uniquement opposé au mode de vie "américain": il est opposé au modèle industriel occidental. les populations de france, de chine, du brésil, de l'inde et du canada sont tout aussi coupables de gaspillage et de cruauté envers le vivant que n'importe quel américain!

par contre, je crois qu'on touche au coeur même du problème lorsqu'on aborde un "antiaméricanisme" défini comme étant le rejet de "valeurs dites américaines": le groupe humain incarnant le plus flagrant asservissement de l'esprit critique et la plus importante menace à la liberté de choix individuel depuis des décennies (je parle ici des chrétiens évangélistes) réussit à faire accepter par l'ensemble de la population que les valeurs qu'ils défendent sont les "valeurs dites américaines" alors que ce qu'il proposent est en réalité un retour à la féodalité. en opposition au pire cliché de ce qu'a apporté la révolution américaine (que même le citoyen le plus humble peut espérer aux plus grands honneurs), les chrétiens considèrent que chacun est né à la place qu'il mérite, qu'il ne peut n'y échapper, que le sang est plus sacré que la justice. dans le contexte actuel, les chrétiens évangélistes sont ceux qu'on peut logiquement étiqueter "antiaméricains" et la bataille vitale ne se livre pas dans les quartiers pauvres de falloujah, mais dans la vie quotidienne de millions d'américains. parce qu'ils sont les seuls à pouvoir véritablement stopper la guerre culturelle menée par ces fanatiques, qui disposeront peut-être encore pour quatre ans du plus imposant effectif militaire jamais connu.

20041029

pensée pour moi-même...

... que je partage avec tous ceux qui, comme moi, s'inquiètent d'une élection américaine à laquelle ils ne peuvent participer: "le maître d'un homme, c'est celui qui a la puissance sur ce que veut ou ne veut pas cet homme, pour le lui donner ou le lui ôter. que celui donc qui veut être libre, n'ait ni attrait ni répulsion pour rien de ce qui dépend des autres; sinon, il sera fatalement malheureux." (épictète, manuel, xiv-2)

tout ça pour vous recommander de faire comme moi et de ne pas trop écouter cnn d'ici mardi: lisez plutôt un livre, ça donne le recul nécessaire.

20041027

enfin!

l'armée britannique enrôle son premier sataniste

londres (reuters) - l'armée britannique a enrôlé son premier adepte du satanisme, un technicien de la navy ayant été autorisé à pratiquer sa foi au cours des missions en mer, a annoncé dimanche le ministère de la défense.

à l'appui de cette décision, un porte-parole a déclaré que le ministère de la défense respectait "l'égalité des chances" en tant qu'employeur et ne pratiquait pas de discrimination fondée sur les croyances religieuses de ses employés.

... selon le sunday telegraph, chris cranmer, ecossais âgé de 24 ans, a obtenu qu'un service funéraire soit organisé par l'eglise de satan au cas où il viendrait à mourir pendant une opération militaire. cette eglise a été fondée dans les années 1960. le terme de "satanisme" recouvre de nombreuses croyances, dont l'une tient satan pour une force de la nature.

20041026

triste débat...

oui, un bien triste débat que nous offre le devoir à propos de cet espace musique terriblement boîteux. un auditeur reprend l'argument de la direction comme quoi la culture se retrouve sur la première chaîne, mais je ne vois pas comment les plogues de romans à la mode ou les entrevues avec des comédiennes incultes aide au rayonnement de la musique diffusée sur une autre chaîne. ensuite nous avons droit au témoignage d'un auditeur satisfait. il est satisfait parce qu'il y a pire ailleurs mais semble comprendre le problème de travers: les gens ne s'opposent pas tant à l'éclectisme de la programmation qu'à l'absence de la réflexion culturelle autour de la musique et d'une mise en contexte nécessaire des oeuvres. mais il ajoute: "est-ce trop demander qu'une chaîne comme espace musique diffuse simultanément la même journée de la musique classique, de la chanson, du jazz, des musiques du monde et d'autres musiques émergentes? ... je suis désolé, mais la culture et le savoir ne doivent pas être exclusifs aux riches, aux apparatchiks scientifiques et littéraires ou à des diktats de l'air du temps." alors que le "diktat de l'air du temps" est justement ce sirop sonore mièvre et complaisant qui lui plait tant.

ce qui me dérange le plus, en fait, c'est cette condescendante étiquette "émergente". un troisième auditeur en rajoute: "actuellement, à la suite des mutations récentes et de la mondialisation de la culture, on accorde droit de cité aux tendances émergentes." mais la musique émergente, ce n'est pas une esthétique et encore moins une qualité. ça n'existe tout simplement pas en tant que genre: la seule musique qu'on peut qualifier d'émergente c'est la pop qui n'a pas encore rejoint sont marché, signifiant que son aboutissement est la reconnaissance de sa viabilité commerciale, sa validation par l'industrie. alors les musiques "émergentes", non merci: cette radio n'a pas à devenir un terrain d'essai pour les futures recrues des ondes commerciales.

ce qui manque terriblement à cette nouvelle programmation, c'est la musique de création. c'est cette disparition qui touche au coeur du problème. où est passé tout ce qui est "difficile"? tout ce qui nécessite des écoutes répétées pour en apprécier le suc? et même tout ce qui "ne s'écoute pas"? dans cette "réingénierie" culturelle, tout ce qui donne le goût de parler, de débattre, de penser est absent. et c'est là le véritable scandale auquel il faut faire face.

20041025

la tentation nihiliste

il est de ces livres que la plupart des gens qualifient de "déprimants" et qui sont pour nous, pessimistes négativistes, de veritables soulagements. et bien dans le même régistre que le très amusant livre de michel bounan la vie innomable (éditions allia), je suis en train de savourer ce plaisant ouvrage de roland jaccard, la tentation nihiliste (presses universitaires de france). ces deux extraits m'ont particulièrement frappés par leur justesse:

"il en est du plaisir comme de l'argent: on trime beaucoup pour en gagner peu et on dépense tout pour ne jouir de rien. on oublie de même que marx a envisagé une conséquence, catastrophique à ses yeux, de la lutte des classes: la disparition de la bourgeoisie et du prolétariat au profit d'une unique classe moyenne. le sexe, sauf dans nos sublimes automystifications, n'aboutit pas plus à la jouissance que la lutte des classes ne débouche sur la révolution ou le socialisme. tout est miné de l'intérieur: plus l'organisme se révèle fragile, plus il rêve d'orgies et d'apocalypses." (p. 16)

"on l'a souvent relevé, mais le fait demeure troublant: aucune civilisation, aucune autre culture - historique ou exotique - n'a jamais disposé d'autant d'instruments d'identification et, par conséquent, d'homogénéisation de la société. or aucune n'a connu pareille crise d'identité. l'homme de la modernité, quand il n'est pas schizophrène, est volontier schizoïde; incommunicabilité, solitude, ennui, morosité, dégoût, ces maîtres mots de la détresse subie et acceptée font partie intégrante de son expérience. du cabinet du médicastre comme du divan du psychanalyste s'élève la lugubre camplainte des incompris, des angoissés, des suicidaires, des insatisfaits, des dépressifs, des laissés pour compte..., comme si l'homme de la modernité ne s'appréhendait qu'à travers ses troubles, ses symptômes, ses désordres biologiques et psychiques. la maladie est le dernier refuge de la créativité."(p. 45)

20041018

cette foi qui bombarde des montagnes...

c'est le blog and then... qui a attiré mon attention sur ce reportage de ron suskin paru cette fin de semaine dans le new york times magazine, without a doubt. une lecture incontournable parce que sa fonction n'est pas de conforter les préjugés anti-bush, mais justement de prouver que ce ne sont pas des allégations farfelues, mais une véritable et dangereuse réalité. un extrait pour vous convaincre d'aller lire l'intégralité de l'article: "in the oval office in december 2002, the president met with a few ranking senators and members of the house, both republicans and democrats. in those days, there were high hopes that the united states-sponsored "road map" for the israelis and palestinians would be a pathway to peace, and the discussion that wintry day was, in part, about countries providing peacekeeping forces in the region. the problem, everyone agreed, was that a number of european countries, like france and germany, had armies that were not trusted by either the israelis or palestinians. one congressman -- the hungarian-born tom lantos, a democrat from california and the only holocaust survivor in congress -- mentioned that the scandinavian countries were viewed more positively. lantos went on to describe for the president how the swedish army might be an ideal candidate to anchor a small peacekeeping force on the west bank and the gaza strip. sweden has a well-trained force of about 25,000. the president looked at him appraisingly, several people in the room recall.

i don't know why you're talking about sweden," bush said. "they're the neutral one. they don't have an army."

lantos paused, a little shocked, and offered a gentlemanly reply: "mr. president, you may have thought that i said switzerland. they're the ones that are historically neutral, without an army." then lantos mentioned, in a gracious aside, that the swiss do have a tough national guard to protect the country in the event of invasion.

bush held to his view. "no, no, it's sweden that has no army."

the room went silent, until someone changed the subject.
"

kilgore trout est mort!

incroyable mais tristement vrai: dévasté par l'impression que w bush sera réélu, cette vieille canaille de kilgore trout s'est suicidé au draino vendredi soir dernier. cet écrivain raté était à la fois un personnage de l'écrivain américain kurt vonnegut et, sous la plume de plusieurs, un véritable auteur. vonnegut a discuté avec son avatar peu de temps avant son départ, cet entretient est publié sur le site in these times sous le titre requiem for a dreamer: "the overwhelming popularity of president bush, in spite of everything, finally shows us what the american people, whom we have so sentimentalized for so long, a la norman rockwell, really are, thanks to tv and purposely lousy public schools: ignorant. count on it!"

par la même occasion, je vous conseille de lire cet autre article de kurt vonnegut, i love you, madame librarian: "i want to congratulate librarians, not famous for their physical strength or their powerful political connections or their great wealth, who, all over this country, have staunchly resisted anti-democratic bullies who have tried to remove certain books from their shelves, and have refused to reveal to thought police the names of persons who have checked out those titles. so the america i loved still exists, if not in the white house or the supreme court or the senate or the house of representatives or the media. the america i love still exists at the front desks of our public libraries."

outrage à derrida, la suite

plusieurs universitaires américains se sont eux aussi offusqués du traitement injuste et xénophobe du new york times dans sa nécrologie de derrida (voir "freeddom philosophy" ?). leurs lettres de protestations y sont reproduites.

20041014

w bush, le pire président mexicain?

le dessinateur mexicain el fisgón publie, à la demande du site tomdispatch.com, un article hilarant intitulé george bush, the worst mexican president ever. en introduction, les travaux de fisgón sont brièvement évoqués, avec des liens vers quel exemples. je vous cite ce paragraphe qui résume bien son ton mordant: "... all evidence suggests that george bush has stolen his ruling style from old-fashioned mexican politicians. mexican political culture has very defined features and the president of the united states has absorbed them all: the classical mexican political boss usually inherits his power from his father. the typical mexican cacique has a love for guns as well as an inclination toward violence and cruelty; he despises legality and intellectual activity, has a personal history of alcoholism and dissipation, lies systematically, and declares himself a faithful servant of god. (did we miss anything?)". l'article est également disponible via common dreams, une source (anglophone) inestimable de nouvelles progressistes.

hommages

un petit retour sur la mort du dernier philosophe. peut-être pour se rattrapper d'avoir été si mesquin dans leur nécrologie officielle, le new york times publie aujourd'hui, sous la plume de mark c taylor, un hommage plus juste: "to people addicted to sound bites and overnight polls, mr. derrida's works seem hopelessly obscure. it is undeniable that they cannot be easily summarized or reduced to one-liners. the obscurity of his writing, however, does not conceal a code that can be cracked, but reflects the density and complexity characteristic of all great works of philosophy, literature and art."

un très bon ami, également outré par le ton de la nécrologie du nyt, m'a suggéré cet hommage en français, disponible sur le site de télérama: "sans vouloir faire de la pensée de derrida la résultante mécanique de sa biographie, retenons le mouvement qui l’a toujours porté vers l’écart, l’errance, la digression, le décentrement, l’illimité, le hors-frontière, le retrait, la bigarrure. et le rapport passionné qu’il a entretenu avec la langue française, comme si elle lui était à la fois intérieure et extérieure et qu’il devait la conquérir, la séduire, l’approfondir, mais aussi lui faire violence, la déstabiliser, la priver de ses certitudes arrogantes."

20041012

subventions, espaces et déserts

une étrange mention à propos de denis vanier dans le devoir de samedi dernier, sous la plume du catho-nationaliste louis cornellier. dans cet article à propos du livre "art, argent, arrangement: le mécénat d'état" de robert yergeau, on peut lire:"denis vanier, par exemple, a reçu douze bourses du cac et huit du mac. ainsi, 'le poète de la marginalité la plus intransigeante a entretenu un commerce intense avec le mécénat d'état. comment ne pas interroger cette posture paradoxale?'

je ne m'attarderai pas sur cette tendencieuse "posture" mais j'aimerais bien comprendre de quel paradoxe s'agit-il? celui de demander des subventions auxquelles l'artiste est éligible? ou bien celui d'être un poète et d'avoir quand même besoin de se loger et de se nourrir? doit-on rappeler que les subventions sont attribuées par jurys de pairs, c'est à dire d'artistes oeuvrant dans la même pratique? doit-on encore rappeler que les subventions sont gérées par des fondations indépendantes des gouvernements en place, justement pour éviter qu'un artiste soit jugé sur ses positions politiques au lieu du mérite artistique de ses projets? doit-on aussi rappeler que quelques milliers de dollars pour 20 ans de pratique artistique, ça ne fait pas un très gros salaire? je ne vois aucun paradoxe à accepter un chèque du gouvernement si l'on conteste l'ordre établi, que ce soit un chèque du conseil des arts ou de la sécurité du revenu.

de quelques réactions à peine lors de l'abolition de la chaîne culturelle (les auditeurs ont donné une chance au coureur), il semble qu'il y ait maintenant une véritable opposition face à cet espace musique très aseptisé. je n'ai rien contre le principe de base, c'est à dire de donner priorité à la diffusion des oeuvres, par contre dans le contexte actuel où ce qui est diffusé n'est pas présenté, où toute réflexion sur l'art est abolie, où des pratiques artistiques très divergentes sont abusivement casées dans le même panier "émergent", je supporte sans retenue les artistes et les auditeurs qui demandent de profonds changements à cette formule.

finalement, un bref retour sur la manifestation vidéo et art électronique organisée à l'incinérateur des carrières sous le thème désert. d'emblée, j'ai été agréablement surpris par l'utilisation de ces lieux magnifiquement lugubres et aux dimensions impressionnantes. par contre, la disposition des multiples installations dans des conteneurs individuels ne permettait qu'à un public restreint de visionner les oeuvres. issue, installation vidéo de la photographe isabelle hayeur, était la plus intéressante. un écran couvrait complètement le mur au fond d'une grande salle de l'incinérateur. la projection en trompe-l'oeil donnait l'impression au spectateur qui s'avance que l'allée se prolongeait progressivement sous ses pas et que l'échappée possible vers un champ ensoleillé se déroberait en permanence.

20041011

"freedom philosophy" ?

la nécrologie de derrida, parue dans le new york times est étrangement virulente: je suis convaincu que celle de kissinger sera plus élogieuse, ce qui m'emmerdre beaucoup. non, mais: "toward the end of the 20th century, deconstruction became a code word of intellectual discourse, much as existentialism and structuralism - two other fashionable, slippery philosophies that also emerged from france after world war ii - had been before it."

freedom philosophy, anyone?

20041005

un blog pour chaque sophisme?

je ne me lance certainement pas dans la mêlée: ces dernières semaines de campagne nationale américaine seront passablement vicieuses. j'ai aussi beaucoup de sympathie pour ceux qui tentent d'embrasser le réel en parcourant les innombrables blog qui tracent des repères instantanés à cette bagarre - alors, non, je résiste à la panique de créer un blog pour dénoncer chaque sophisme.

par contre, je ne peux m'empêcher de noter que, dans ce cafouillis de positions, la faculté de rester conséquent est trop rare. ce qui, considérant les arguments de campagne, n'est pas surprenant. condy rice en est le meilleur exemple: d'un côté elle tente encore de défendre ses exagérations au sujet des capacités nucléaires de l'irak, voulant maintenir la facade des justifications à l'intervention, et de l'autre elle condamne cyniquement le "test global" de kerry, ridiculisant la nécessité de prouver au peuple américain et ses alliés la validité d'une intervention militaire.

dans un régistre plus léger, à la télévision nationale, dimanche, une actrice porno affirmait son droit individuel à exercer un métier sexuel exhibitioniste - dans la perspective où l'on considère encore ces formes ostentatoires de l'érotisme comme un tabou social (on pourra y revenir...) - mais déclarait être en faveur de la peine de mort (!) et que le pardon social est inenvisageable lorsqu'on offense le consensus sécuritaire social.

d'autres excellents exemples de l'hypocrisie schizophrène de la droite nord-américaine.

20040924

made in heaven

tout récemment, j'ai trouvé refuge dans la superbe vacuité de reproductions d'oeuvres de jeff koons, particulièrement la série made in heaven

d'y reconnaitre la cicciolina m'a estomaqué: qui ne se rapelle pas cette actrice porno, au look si démentiellement 80, devenue par la suite député libertarien au parlement italien? et, surprise, aussi ex-épouse du broker new-yorkais transformé en sculpteur néo-pop-art?

quoiqu'il ait été question régulièrement - avec raison - de la superficialité insoutenable de ces oeuvres, je ne peux complètement ignorer la violence puissante de ces chiots de bois peints, la juste candeur des éjaculations et l'audace des figurines de verre coloré.

un mauvais goût si habile et méticuleux impose le respect.