20041124

apocalypse (presque) maintenant

j'ai lu récemment le bestseller "da vinci code". quiconque a déjà lu quelques livres d'aventure du type reconnaît la structure américain-à-l'étranger-impliqué-dans-une-enquête-qui-le-dépasse (robert ludlum est l'exemple qui me vient en tête). ce qui semble avoir frappé l'imagination populaire, c'est l'utilisation de la richesse symbolique chrétienne comme élément d'exotisme. pourtant, elle demeure excessivement superficielle, alors même que les péripéties devraient s'en nourrir. le meilleur exemple d'utilisation de la richesse symbolique et artistique chrétienne comme ressort narratif reste selon moi il nome della rosa (the name of the rose / le nom de la rose) écrit par umberto eco. le mélange de vérités et d'artifices littéraires est semblable, mais où eco insuffle à sa prose l'hermétisme propre aux sources d'inspirations, brown se promène dans les larges allées pavées de la vulgarisation "discovery channel".

ce qui m'embête, c'est que pour le nord-américain moyen, toutes les références du livre à l'histoire de l'art en général et à la symbolique chrétienne en particulier apparaîssent tout aussi relatives que les péripéties loufoques que dan brown tisse autour du tombeau de marie-madeleine. selon moi, il s'agit d'un facteur similaire qui explique l'acceptation franche et totale du dogme par les chrétiens fondamentalistes: cette absence de culture (ou devrais-je dire: relativisation des savoirs dans un but de contrôle social) plonge le nord-américain moyen dans une perpétuelle suite de crédulités frustrées jusqu'au jour où il se radicalise et s'enferme dans une confortable certitude, peut-importe laquelle (le racisme, le port d'armes, l'argent). cette relativisation pernicieuse a des répercussions aux deux côtés du spectre social: du paganisme soft de brown aux fondamentalisme chrétien raciste de lahaye et jenkins, auteurs de l'immensément populaire série apocalyptique "left behind".

amusante "synchronicité apophénique": alors que j'avais l'intention d'utiliser cet exemple pour lier les quelques éléments que je voulais aborder à propos des fondamentalistes chrétiens aux états-unis, nicholas kristof du new york times abordait justement aujourd'hui le sujet dans sa chronique apocalypse (almost) now: "if saudi arabians wrote an islamic version of this series, we would furiously demand that sensible muslims repudiate such hatemongering. we should hold ourselves to the same standard. tim lahaye and jerry jenkins, the co-authors of the series, have both e-mailed me (after i wrote about the 'left behind' series in july) to protest that their books do not 'celebrate' the slaughter of non-christians but simply present the painful reality of scripture. 'we can't read it some other way just because it sounds exclusivistic and not currently politically correct,' mr. jenkins said in an e-mail. 'that's our crucible, an offensive and divisive message in an age of plurality and tolerance.' silly me. i'd forgotten the passage in the bible about how jesus intends to roast everyone from the good samaritan to gandhi in everlasting fire, simply because they weren't born-again christians. i accept that mr. jenkins and mr. lahaye are sincere. (they base their conclusions on john 3.) but i've sat down in pakistani and iraqi mosques with muslim fundamentalists, and they offered the same defense: they're just applying god's word."

on mentionne rarement que le co-auteur de la série, le pasteur tim lahaye, en plus d'être un prédicateur très influent, est également le fondateur d'un think-tank fondamentaliste très discret, le council for national policy. parmis ses membres: les révérends jerry falwell et pat robertson (lui aussi auteur d'un roman apocalyptique), tom delay (leader de la majorité sénatoriale républicaine et récemment encore accusé de trafic d'influence), oliver north (ce bon colonel qui avait accepté le blâme pour reagan dans le scandale cia / contras nicaraguaiens / trafic de drogue), un influent chrétien reconstructionniste (*), r.j. rushdoony et aussi, même, john ashcroft!
(* le reconstructionnisme chrétien est une doctrine qui proclame que toute activité touchée par le "péché" doit être "reconstruite" par la bible -- si vous vous rappelez bien, lors du deuxième débat présidentiel, george w. bush a parlé de nommer à la cour suprème des états-unis, non pas de mauvais "juges activistes" mais de bons "juges constructionnistes"... et ce n'est que l'une des centaines de subtilités politiques adressées spécifiquement aux électeurs fondamentalistes par le biais d'un vocabulaire "occulte", c'est à dire dont le véritable sens est caché à la multitude).

en terminant, je vous suggère deux intéressantes critiques. premièrement, edmund d. cohen met en parallèle cette série avec l'ouvrage néo-nazi qui a inspiré le responsable de l'attentat d'oklahoma city, timothy mcveigh, dans sa critique review of the "left behind" tribulation novels: turner diaries lite. il y trace clairement les similitudes qui relient les deux oeuvres: héros évangélique, ennemi déshumanisé, destruction massive justifiée par la promesse de siècles heureux dans l'homogénéité, chrétienne pour l'un, aryenne pour l'autre.

finalement, hugh urban décrit les troublants rapprochements culturels entre la vision de l'apocalypse véhiculée par "left behind" et la stratégie hégémonique des néo-consevateurs dans bush, the neocons and evangelical christian fiction: "the two narratives that i was reading here -- the neocon's aggressive foreign policy, centered around the middle east, and the christian evangelical story of the immanent return of christ in the holy land -- struck me as weirdly similar and disturbingly parallel. the former openly advocates a 'new american century' and a 'benevolent hegemony' of the globe by u.s. power, inaugurated by the invasion of iraq, while the latter predicts a new millennium of divine rule ushered in by apocalyptic war, first in babylon and then in jerusalem. [...] as amy frykholm has argued in her study of the series, rapture culture, the left behind books contain a strong political message and a 'conservative, patriarchal, even racist agenda that mirrors the agenda of the christ right.' on the domestic front, lahaye's books advance a strong pro-life message, while targeting feminism and homosexuality as instruments of the antichrist. [...] the entire series, moreover, contains a disturbing kind of anti-semitism, portraying israel as too stubborn to recognize jesus as the messiah, while making heroes of jewish converts to christianity. [...] the washington post reported that 'pat robertson's resignation this month as president of the christian coalition confirmed the ascendance of a new leader of the religious right in america: george w. bush.' in the words of ralph reed, the christian coalition's former president, 'god knew something we didn't. he had a knowledge nobody else had: he knew george bush had the ability to lead in this compelling way.'"

"god knew something we didn't", je crois que nous sommes plusieurs millions à savoir ce qu'ils ignorent...

No comments:

Post a Comment