20071229

américains, quelle théocratie préférez-vous?

avant de revenir sur la question du support public aux arts, je voulais absolument commenter les derniers développements de la campagne présidentielle américaine. républicains et démocrates sont présentement à l'aube de leurs premières courses à l'investiture et c'est habituellement la période où les candidats secondaires s'agitent pour un peu de publicité, avant d'être éventuellement écrasés par le poids de l'appui militaro-industriel (eisenhower) des candidats favoris (par exemple, john mccain et bill bradley, respectivement battus par george w bush et al gore en 2000).

mais cette fois-ci, toujours en guerre et face à un ralentissement économique exacerbé par le déficit fédéral et la crise du crédit, les électeurs américains des deux partis semblent sur le point de balancer leurs favoris de quelques mois à peine (rudy giuliani chez les républicains et, dans une moindre mesure, hillary clinton chez les démocrates) pour des outsiders.

il faut garder en tête, par contre, que giuliani et clinton sont toujours donnés favoris dans les sondages nationaux et que des victoires surprises pour un candidat lors des premières élections primaires (tous les états américains ne tiennent pas leurs primaires à la même période -- l'iowa et le new hampshire sont les premiers et bénéficient ainsi d'une couverture médiatique plus intense) ne garantissent pas nécessairement une victoire lors du super tuesday (le mardi du mois de mars où plus d'une dizaine d'états tiennent leur primaires en même temps).

pourtant, l'évolution des songages ces dernières semaines est particulièrement troublante. giuliani voit son statut de favori en danger et son passé financier et marital trouble ne l'aide pas chez cet électorat républicain dérouté (chez qui le statut totémique du 11 septembre 2001 s'érode). mccain semble avoir stoppé sa chute libre avec quelques appuis et remonte lentement dans les sondages, mais aucun de ses kowtows à rove et bush n'auront suffi à lui assurer l'investiture. en fait, il a clairement misé sur le mauvais cheval et si sa campagne d'aujourd'hui était à l'image de celle de 2000 (avec son straight-talk express, et les positions modérées qu'il tenait alors -- par exemple il avait créé l'émoi chez les républiains en affirmant publiquement qu'il laisserait sa fille choisir d'avoir un avortement ou non, avant d'avoir à se rétracter devant les haux-cris des ligues chrétiennes), il voguerait assurément en tête.

chez les démocrates, on a vu barack obama ratrapper progressivement (ha!) hillary clinton dans les sondages, après un été qui avait vu ses appuis plafonner malgré un certain engouement médiatique. cependant, son adoubement par oprah ne garanti pas qu'il peut surmonter l'emprise que les centro-corporatistes du democratic leadership council exercent sur le parti démocrate depuis la présidence de bill clinton.

pourtant, de tous les candidats des deux camps, hillary est celle qui récolte la plus grande proportion d'opinion défavorable au niveau national (48% des sondés ont une opinion défavorable, suivi de près par giuliani avec 41% -- à mettre en persepective avec les 57% d'appui favorable que récolte obama dans le même sondage!)

mais la question fondamentale qui se pose, celle qui teinte tout le climat politique, est religieuse. à un point tel que la population américaine qui ne professe aucune religion se dit, comme le mentionne le sociologue darren sherkat, "horrified by both the democratic and republican rhetoric surrounding religion -- that people who are not religious... are immoral, that they're not qualified to serve in public office" (non-believing us voters feel demonized, 19 décembre 2007). quoique, comme le souligne si bien frank rich dans le new york times, le mouvement oprah-obama n'est pas libre de références religieuses ("this movement has its own religious tone. references to faith abound in mr. obama's writings and speeches, as they do in oprah's language on her tv show and at his rallies. five years ago, christianity today, the evangelical journal founded by billy graham, approvingly described oprah as 'an icon of church-free spirituality'..." -latter-day republicans vs. the church of oprah, 16 décembre 2007), ce sont les candidatures des candidats républicains mitt romney et mike huckabee qui projettent cette tendance à l'avant-plan.

la controverse a véritablement pris forme avec la candidature du consultant d'entreprise, vedette du comité des jeux olympiques de salt lake city et ancien gouverneur du massachusetts, mitt romney. alors qu'il était gouverneur, romney tenait des positions plutôt modérées pour le parti républicain. il a instauré dans son état un régime public d'assurance santé dans un pays où un système à la canadienne est encore perçu comme étant une idée "communiste". aussi, contraint par la cour suprème de son état, il ne s'opposait pas aux unions civiles entre personnes du même sexe (quoi qu'il ait appuyé divers amendements protégeant la nature hétérosexuelle du mariage).

pourtant, pour une candidature à l'investiture présidentielle républicaine, ce n'était pas assez "politiquement correct". romney a alors opéré une transition vers les politiques héritées des dernières victoires politiques de son parti, voulant s'assurer de l'électorat évangélicaliste avec des prises de positions radicales et une emphase constante sur sa moralité et sa foi. et c'est là où le bât blesse, romney n'est pas qu'un simple chrétien issu d'une des multiples dénominations du christianisme protestant américain, mitt romney est un mormon. l'église de jésus-christ des saints des derniers jours, connue communément sous l'apellation de mormonisme, est, comme le jazz, une invention totalement américaine. pourtant, de par sa nature, elle a toujours été perçue comme une hérésie par la majorité chrétienne américaine et encore aujourd'hui ses fondements sont peu connus du grand public. résultat, malgré les dizaines de millions de sa fortune personnelle engloutis dans sa campagne, il n'a pu neutraliser chez la base extrémiste du parti républicain son image de manchurian candidate mormon.

romney est un personnage fascinant, scion d'une des plus vieilles familles du mormonisme, et je vous recommande deux portraits de sa campagne, l'un publié dans harper's, making mitt romney: how to fabricate a conservative et l'autre dans le new yorker, the mission, mitt romney's strategies for success. particulièrement intéressant est son passé de "management consultant and leveraged-buyout specialist" chez bain capital (firme qui, près de chez nous, a acheté la division de produits récréatifs bombardier et la chaîne de magasins dollarama!) et l'application de ces techniques d'entreprise à sa vie politique.

jouant le tout pour le tout sur la question de sa foi, romney a prononcé un discours important le 6 décembre, faith in america, par lequel il voulait dissiper, comme kennedy l'avait fait pour son catholicisme, les doutes entretenus par la population: "today, i wish to address a topic which i believe is fundamental to america's greatness: our religious liberty. i will also offer perspectives on how my own faith would inform my presidency, if i were elected.". mais par delà son message initial ("let me assure you that no authorities of my church, or of any other church for that matter, will ever exert influence on presidential decisions.") il révèle malgré lui à quel point les politiciens américains ont définitivement sapé les fondements constitutionnels de leur pays. car si ils préservent une facade de séparation entre la religion et l'état, aucun d'entre eux (républicains, démocrates ou libertariens) n'ont tenu à corriger l'énormité suivante: "freedom requires religion just as religion requires freedom. freedom opens the windows of the soul so that man can discover his most profound beliefs and commune with god. freedom and religion endure together, or perish alone.".

maintenant, comparez ce discours avec celui de john f kennedy, en 1960 (l'accentuation est mienne): "[...] because i am a catholic, and no catholic has ever been elected president [...] it is apparently necessary for me to state once again -- not what kind of church i believe in, for that should be important only to me -- but what kind of america i believe in. i believe in an america where the separation of church and state is absolute -- where no catholic prelate would tell the president (should he be catholic) how to act, and no protestant minister would tell his parishioners for whom to vote -- where no church or church school is granted any public funds or political preference -- and where no man is denied public office merely because his religion differs from the president who might appoint him or the people who might elect him. i believe in an america that is officially neither catholic, protestant nor jewish -- where no public official either requests or accepts instructions on public policy from the pope, the national council of churches or any other ecclesiastical source -- where no religious body seeks to impose its will directly or indirectly upon the general populace or the public acts of its officials -- and where religious liberty is so indivisible that an act against one church is treated as an act against all. [...] finally, i believe in an america where religious intolerance will someday end -- where all men and all churches are treated as equal -- where every man has the same right to attend or not attend the church of his choice [...]"

mais depuis les victoires électorales de reagan basées sur l'appui des activistes religieux, ce principe jeffersonien a été complètement écarté des stratégies politiques. comme le mentionne jeff sharlet dans through a glass, darkly: how the christian right is reimagining u.s. history (harper's magazine, décembre 2006): "the new christ [a warrior who hates the carnage he must cause, a man-god ordinary men will follow], fifty years ago no more than a corollary to american power, twenty-five years ago at its vanguard, is now at the very center. his followers are not anxiously awaiting his return at the rapture; he's here right now. they're not envious of the middle class; they are the middle class. they're not looking for a hero to lead them; they're building biblical households, every man endowed with 'headship' over his own family." ce sont ces électeurs qui maintenant commandent les faveurs des politiciens américains et, déçus des choix offerts en cette période électorale, certains se sont tournés vers la candidature du pasteur mike huckabee.

pasteur baptiste et ancien gouverneur de l'arkansas, mike huckabee est le candidat logique d'un parti qui a littéralement fait de george w bush un sauveur de la foi en amérique. cependant, pour l'establishment républicain plus soucieux de mainmise économique que de rédemption, il menace l'équilibre d'un électorat évangélicaliste appelé aux urnes sur demande mais discret politiquement le reste du temps. dans the huckabee revolution: evangelicals at the GOP gate, thomas b edsall du huffington post écrit: "mike huckabee's insurrectionist presidential campaign is defying the determination of the republican establishment to restrict the selection of the party's nominee to pre-approved candidates. [...] huckabee not only lacks endorsements from republican party principals, but also from the most prominent leaders of the traditional christian and social issues sector of the party. [...] most importantly, endorsements notwithstanding, christian evangelicals, who make up roughly 40 percent of the republican electorate, are hungry for an alternative to romney, thompson, mccain, and giuliani."

même le commentateur politique de droite robert novak (celui de l'affaire valerie plame) lance dans le washington post: "huckabee is campaigning as a conservative, but serious republicans know that he is a high-tax, protectionist advocate of big government and a strong hand in the oval office directing the lives of americans. [...] the rise of evangelical christians as the force that blasted the gop out of minority status during the past generation always contained an inherent danger: what if these new republican acolytes supported not merely a conventional conservative but one of their own?" (the false conservative, 26 novembre 2007).

rich lowry, de la national review, explique très bien pourquoi une candidature évangélicaliste comme celle de mike huckabee représente un danger pour le parti républicain : "[...] his vulnerabilities in a general election are so screamingly obvious that it's hard to believe that primary voters, once they focus seriously on their choice, will nominate him. [...] the gop's social conservatism inarguably has been an enormous benefit to the party throughout the past 30 years, winning over conservative democrats and lower-income voters who otherwise might not find the republican limited-government message appealing. that said, nominating a southern baptist pastor running on his religiosity would be rather overdoing it. social conservatism has to be part of the republican message, but it can't be the message in its entirety." (huckacide, 14 décembre 2007)

en effet, le danger huckabee est qu'il avance à visage découvert sur les questions sociales sensibles, loin des allusions codées que favorisait le conseiller politique de george w bush, karl rove. fortement appuyé par le défunt pasteur jerry falwell pour ses positions fermes sur la place de la religion au gouvernement, huckabee ne répugne pas à afficher ses positions fondamentalistes, parfois incompréhensibles: "early in his time in office he refused to sign off on disaster relief legislation that would have prevented insurance companies from weaseling out of their claims, because catastrophic weather events were referred to as 'acts of god.' it wasn't the prerogative of lawmakers, huckabee claimed, to 'issue some kind of comment for the few who died and blame [god] for that and let that be the only time at which we offer his name in some kind of public setting.' [...] in 1998 he signed a statement urging wives to 'graciously submit to their husband's sacrificial leadership.' [...] while in office, he pushed a strong anti-abortion agenda, [...] hired church groups to run welfare and youth programs [and] when the arkansas' divorce rate skyrocketed, huckabee turned to his baptist roots, instituting 'covenant marriages,' which encouraged training on healthy relationships and made it harder for people to divorce." (falwell's hero: how huckabee has championed the christian right, 13 décembre 2007).

de plus, il affirmait en 1992 vouloir isoler les sidatiques en quarantaine et s'opposait au financement de la recherche d'une cure: "mike huckabee once advocated isolating aids patients from the general public [...] besides a quarantine, huckabee suggested that hollywood celebrities fund aids research from their own pockets." (associated press, 9 décembre 2007). sans oublier qu'il est, contrairement au crédo républicain, intervenu directement dans la remise en liberté d'un meurtrier et violeur en série, simplement parce qu'une de ses victimes était une lointaine cousine de bill clinton! (documents expose huckabee's role in serial rapist's release, 4 décembre 2007).

devant un tel champs politique, des candidatures habituellement très marginales -- comme celle du libertarien ron paul (qui fait du retour de l'étalon-or l'un des pilliers de sa campagne) ou celle, probablement indépendante (ni républicaine ou démocrate), de l'actuel maire de new-york michael bloomberg -- deviennent soudainement des choix possibles pour les électeurs sans véritables allégences partisanes et plutôt fidèles au "vivre et laisser vivre" du rêve capitaliste américain.

20071208

toujours contre les accomodements intellectuels

comme c'est typique de ma part, de promettre ainsi une suite palpitante à mon précédent billet (août) et rester finalement absent du débat pendant trois mois.

outre le fait qu'en ma nouvelle qualité d'intellectuel "de gouvernement" (oui oui, je sais, vous payez pour ça*) j'ai passé les trois derniers mois plongé dans deux cycles d'évaluation, sans compter quelques comités ad hoc, il y a aussi que tous les débats de la commission bouchard-taylor n'ont finalement été que le reflet fidèle de mes préjugés à leurs égards: prévisibles et insipides. il y a bien de temps à autre un moment drôle, comme lorsque que charles taylor à voulu forcer un soit-disant intellectuel à préciser sa pensée en lui demandant si la position qu'il présentait à la commission était rousseauiste, seulement pour se rendre compte que l'homme en question ne savait absolument pas à quoi taylor faisait référence, semblant réellement surpris que les idées qu'il défendait puissent avoir été déjà formulées (et plus éloquemment, quand même) par un autre, deux siècles plus tôt (!).

mon prix de consolation pour avoir espéré quelque chose de l'exercice est l'appui incontestable que porte la population québécoise à la laïcité dans l'espace public. espérons que nous pourrons encore longtemps éviter le genre de situation vécue présentement sur la scène politique aux états-unis, où, comme le résume si bien john whitehead sur huffington post, "despite the constitution's clear prohibition of a religious test for office, the race for the white house has turned into a campaign to get americans to vote -- or not vote -- in blocs for particular candidates based on their religious beliefs." (tiens tiens, je crois que je vais vous préparer un petit topo sur les candidats républicains mike huckabee et mitt romney, vous allez rire! ou peut-être pas)

m'enfin, tout ça pour en venir à la place de l'intellectuel dans la société et, à ce sujet, je voulais attirer votre attention sur l'excellent dossier guerre des idées (édito de ramonet, suivi de liens vers tous les articles du dossier), paru dans le monde diplomatique en mai 2006. surtout, jetez un oeil à leur petit florilège de citations sur le rôle de l'intellectuel: "tout intellectuel a ce qu’on appelle des intérêts idéologique [...] bien que j’aie toujours contesté la bourgeoisie, mes œuvres s’adressent à elle, dans son langage..." - sartre; "les intellectuels sont de leur temps, dans le troupeau des hommes menés par la politique de représentation de masse qu’incarne l’industrie de l’information ou des médias; ils ne peuvent lui résister qu’en contestant les images, les comptes rendus officiels ainsi que les justifications émanant du pouvoir..." -said.

aussi, dans on en est là..., jacques bouveresse constate: "l’intellectuel d’aujourd’hui [...] a cessé d’éprouver [...] un sentiment de gêne quelconque. il est – on vient de l’observer une nouvelle fois lors des manifestations de la jeunesse contre la précarité – plutôt respectueux de tous les pouvoirs établis, à commencer par celui du marché et de l’argent. il est intarissable sur les questions morales, mais ne veut pas être ennuyé avec les questions de justice sociale et les questions sociales en général. il s’abstient soigneusement, dans la plupart des cas, de faire la leçon aux représentants du grand capital, mais la fait volontiers à ceux des milieux sociaux les plus défavorisés."

sur une note plus légère, prenez ce jugement de perry anderson à propos de bernard-henri lévy (cité dans l'article de bouveresse): "il serait difficile d’imaginer une inversion plus radicale des normes nationales en matière de goût et d’intelligence que l’attention accordée par la sphère publique en france à ce grand nigaud, en dépit des preuves innombrables de son incapacité à saisir correctement un fait ou une idée. une telle caricature pourrait-elle exister dans une autre grande culture occidentale aujourd’hui?" et ensuite rappelez-vous qu'ici on laisse richard martineau s'affubler du qualificatif d'intellectuel sans contestation notable! (quand même, un morceau de robot à mistral, pour son bel effort, et, non, le bon mot de laferrière ne suffit pas).

dans le prochain et dernier billet sur le sujet (pour l'instant) je vais vous résumer l'incroyable rencontre que j'ai eu avec james early en avril dernier. très bientôt, car ensuite je vais avoir besoin de ce blogue pour m'épancher sur les élections américaines...

mise à jour (9 décembre)! sur le blogue 1924, notre camarade folksigner nous rappelle très justement que "ce monde, loin d'être mou et informe, comme les réactionnaires aiment à le peindre, est d'une dureté difficilement soutenable. lutter contre lui demande à se placer du point de vue contraire. les écrivains maudits sont ceux qui ont confronté le pouvoir, pas ceux qui l'ont appelé de leurs voeux." (son billet est à lire en entier, il est excellent)

(*) à propos des subventions aux artistes: quoique j'ai rigolé à la lecture du petit lexique de la conspiration dépressionniste, je ne m'explique toujours pas leur position libertarienne sur l'appui aux arts, alors qu'il s'agit quand même d'argent distribué pour ne pas travailler (dans le sens de recevoir un salaire horaire pour la production de biens ou de services) et se consacrer à la création d'un artefact inutile (sonore, visuel, médiatique) ou à l'expression éphémère d'une sensibilité (danse, performance, théâtre). on peut difficilement trouver (à part les crédits d'impôts aux grandes entreprises) acte gouvernemental plus "gratuit". j'ai plutôt l'impression qu'ils confondent les subventions commerciales (pour les gros producteurs de spectacles et de festivals et aux majors de l'industrie) avec celles distribuées par le conseil des arts et des lettres du québec et le conseil des arts du canada (et rappelons que ce dernier ne représente tout de même que 8% de l'investissement fédéral canadien en "culture"). on m'a promptement exclu quand j'ai soulevé la question par courriel il y a quelques temps déjà -- j'ai participé aux deux premiers numéros -- et je me suis dit qu'elle méritait finalement d'être posée publiquement... parce que, lorsqu'on y pense, à québec les artistes subventionnés et le lumpen intelligentsia dépressionniste ne devraient-ils pas plutôt avoir des ennemis communs, par exemple les critiques hégéliens du voir? (ha! ha!)

20070828

à quand le débat sur les accomodements intellectuels?

alors que se poursuit toujours au québec le débat sur les accomodements raisonnables (débat qui entre dans une nouvelle phase avec le début des travaux de la commission de consultation sur les pratiques d'accomodement reliées au différences culturelles), j'en suis plutôt à me demander jusqu'à quand devrons-nous patienter avant que ne se tienne un débat sur les accomodements intellectuels.

je m'explique. depuis plusieurs mois au québec, la notion d'accomodement raisonnable s'est étendue, au delà de sa définition juridique d'arrangement visant à éviter l'application potentiellement discriminatoire d'une norme, jusqu'à signifier l'ensemble des accomodements (laïques, individuels, culturels) inhérents à la diversité culturelle nord-américaine. les discussions n'en sont plus aux nuances de la jurisprudence provinciale et fédérale et portent plutôt sur les désagréments identitaires provoqués par l'immigration.

pourtant le débat est, sur un point précis, très pertinent et il est déplorable de le voir déraper sur les terrains mal dégrossis du terroir. c'est qu'il est très important de débattre des limites élémentaires à imposer à la jurisprudence dans la pratique d'accomodement raisonnable. particulièrement quand à la primauté qu'accorde les tribunaux aux valeurs culturelles (incluant religieuses) de communautés spécifiques sur celles, littéralement constitutionelles (dans le sens d'un pacte social hobbsien), de la communauté dénominatrice.

en conséquence, au lieu de sourire devant la manifestation (dangereusement) naïve de philosophie populaire qui s'est déroulée dans la petite municipalité d'hérouxville, par laquelle ces élites municipales en sont venu à la conclusion que des valeurs constitutionelles (telles que l'égalité des sexes et la laïcisation des pratiques sexuelles) doivent primer sur des particularismes identitaires, on en est maintenant aux prises avec une "contre-réforme nationaliste" menée de front par la droite populiste québécoise.

dans ces circonstances, comment se surprendre des propos de l'historien gérard bouchard (co-président, avec le philosophe charles taylor, de la commission de consulation québécoise) dans le journal le devoir? dans une entrevue publiée le 17 août dernier (bouchard à court d'arguments pro-diversité) bouchard constate deux défis auquel il fait face en sa nouvelle qualité d'intellectuel "de gouvernement" (en comparaison avec son statut précédent d'intellectuel "spécifique").

le premier défi est un handicap argumentaire: "on a posé et on a postulé que la diversité était bonne et enrichissante pour le québec sur le plan culturel" dit-il, "mais on ne l'a pas démontré avec les études nécessaires." il ne bénéficie pas de données scientifiques qui pourraient consituer un plancher discursif en deça duquel les travaux de la commission peuvent refuser de s'aventurer. il reconnaît qu'en sa qualité précédente d'intellectuel "spécifique" (dans le sens foucaldien), il a faillit à sa tâche: "je n'ai jamais contribué à bâtir cet argumentaire," avoue-t-il.

ce qui nous mène au second défi, et à mon interprétation de la citation controversée de gérard bouchard. c'est que sans ce plancher discursif, la commission peut se laisser entraîner sans fin à débattre les sophismes et affirmations démagogiques des "gens qui ne sont pas des intellectuels mais qui regardent les nouvelles à [la télévision]": incapable d'imposer un niveau ou son cadre au débat -- comme toute autre commission gouvernementale servant à avaliser la construction d'une centrale thermique ou une coupe à blanc sait le faire -- la commission de consultation se voit imposer par les démagogues de tout acabit un vocabulaire tellement vague que plus rien ne portera sur la primauté de valeurs constitutionelles et tout servira de forum pour le nationalisme électoraliste de certains et la propagande des autres.

et c'est ainsi que j'en arrive à ce que je nomme les accomodements intellectuels. les accomodements intellectuels sont des arrangements visant à intégrer dans le discours rationel des éléments illogiques pour éviter la faillite du discours civil. la notion métaphysique de "dessein intelligent" en est un bon exemple. en théorie, on peut s'accomoder d'interlocuteurs qui croient au "dessein intelligent" dans une discussion rationelle sur les conséquences de la pollution dans l'environnement. cependant, cet interlocuteur peut très bien se révéler impossible à accomoder, par exemple s'il n'est non seulement anti-évolutionniste mais aussi un chrétien reconstructionniste post-millénariste. dans ce cas, comme il s'attend à voir la planète transfigurée magiquement pour un millénaire d'harmonie avant la seconde venue du christ, comment discuter rationellement avec lui des conséquences réelles de la pollution?

autrement dit, jusqu'à quel point doit-on faire des accomodements intellectuels alors que ceux-ci sapent les fondements philosophiques mêmes du discours? à observer les controverses entourant la diversité culturelle, ce débat m'apparaît vital.

cette réflexion se poursuivra dans le(s) prochain(s) billet(s) de ce blogue, alors que nous aborderons la question du multiculturalisme et aussi la place de l'intellectuel dans le discours social. rien de moins!

20070813

au revoir, "fleur d'étron"...

annoncée ce matin, la démission du stratège politique républicain karl rove (surnommé affectueusement "turd blossom" par son patron) ne me réjouit pas vraiment. en fait, ce départ larmoyant cache quelques réalités troublantes qui devraient tempérer les réjouissances démocrates.

premièrement, l'architecte des coups bas nixoniens qui ont propulsés un déserteur alcoolique à la tête de l'état texan — et, ensuite, de l'empire — échappera probablement à la justice, autant pour son implication dans l'affaire valerie plame que dans les mises à pieds politiquement motivées de procureurs américains (sans compter les multiples manipulations de coulisses qui ont rendu la guerre en irak "inévitable"). ensuite, que rove quitte ses fonctions ne changera rien aux attraits indéniables que son "style" politique a acquis chez les stratèges républicains.

on se souviendra que pour calomnier un rival de bush (john mccain, lors de la course à l'investiture républicaine en 2000), il n'avait pas hésité à lancer la rumeur qu'un des enfants du candidat était un batard mulâtre (en fait, la petite fille, adoptée, venait du bangladesh). cette insinuation d'une aventure extra-conjugale mixte racialement a suffit à couler les chances de mccain en caroline du sud...

mais c'est vraiment l'état dans lequel il laisse le système politique américain qui pose le plus problème: outre une fonction publique et un appareil judiciaire transformés par des nominations politiques funestes (très souvent pour des victoires électorales à court terme), ce sont les éléments fondamentaux du débat public qui ont été altérés par l'idéologie chrétienne factice masquant l'opportunisme crasse de cette coterie.

prenons par exemple la décision stupide du nouveau congrès démocrate de reconduire les dispositions permettant au gouvernement américain d'espionner les communications de ses citoyens sans autre contrôle que le bureau du procureur général (en l'occurence alberto gonzales, auteur de l'infâme mémo du département de la justice avalisant l'usage de la torture et maintenant empêtré dans ses mensonges au congrès à propos de l'affaire des procureurs renvoyés). il est incroyable que la peur d'être étiquetés "faibles sur la défense" (soft on defense) colle encore aux politiciens démocrates après 5 ans d'échecs républicains sur la scène internationale. il s'agit quand même de l'abolition pratique du quatrième amendement de la constitution des états-unis!

dans ces circonstances, que changera vraiment le départ de rove? même si un futur candidat démocrate gagne la présidence et son parti conserve une majorité au congrès, il sera constamment rabroué par une cour suprème hostile. ne soyons pas dupes, l'architecte de la coalition fondamentaliste qui donna au parti républicain un contrôle exceptionnel sur les politiques américaines des sept dernières années va sans doute continuer ses sales besognes, une fois de retour dans l'ombre. et dans le paysage américain, les effluves nauséabondes de "fleur d'étron" se feront encore sentir longtemps.

en lire plus:

dan froomkin, washington post
arianna huffington, huffingtonpost

mise à jour: ce matin (14 août), en éditorial, le new york times ne se gène pas: "the american public needs to understand the full story of how this white house — with mr. rove pulling many of the strings — has spent the last six and a half years improperly and dangerously politicizing the federal government. [...] congress needs to use all its power to bring mr. rove back to washington to testify — in public and under oath — about how he used his office to put politics above the interests of the american people".

20070705

la pire cour suprême, suite (ou "bong hits 4 roberts")

pour ne pas laisser l'impression que l'opinion sévère de mon billet précédent est basé sur une seule cause entendue par la cour suprême des é-u (même si elle est particulièrement éloquente, car le jugement rendu s'oppose à un siècle de jurisprudence en faveur de l'émancipation des afro-américains), je voulais expliciter quelques autres arguments majeurs qui motivent ma comparaison avec l'infâme cour du jugement "dred scott".

premièrement, un autre jugement rendu quelques jours plus tôt donne toute la mesure de l'hypocrisie de la majorité conservatrice de la cour. cette cause touchant au premier amendement de la constitution américaine a donné lieu à un jugement apparemment basé sur des opinions politiques plutôt que sur la jurisprudence.

la cause en question, morse v. frederick -- aussi communément appelée bong hits 4 jesus -- oppose un étudiant de high school agé de 18 ans, joseph frederick, à la direction de son école de juneau (alaska). en janvier 2002, l'école de frederick incite les élèves à assister au passage de la flamme olympique. à cette occasion, frederick, dans une tentative avouée d'attirer l'attention des médias, déploie une bannière proclamant "bong hits 4 jesus".

la directrice, deborah morse, saisit alors la bannière et frederick écope d'une suspension de 5 jours pour avoir violé la politique anti-drogue de l'école. une punition doublée lorsque frederick refuse de dévoiler le nom de ses complices et proclâme son droit à la liberté d'expression. après avoir épuisé les recours administratifs, frederick dépose alors une plainte civile contre morse et la commission scolaire, alléguant une violation de sa liberté d'expression protégée par le premier amendement de la constitution américaine. cette plainte est rejetée en première instance puis renversée en appel. l'argument central de la direction de l'école est qu'en cautionnant ce type d'expression par un élève, la cour envoie un message contredisant les efforts de répression des drogues illégales. une interprétation contestée par le juge kleinfeld lors de l'appel:

"the school principal and school board do not claim that the display disrupted or was expected to disrupt any classroom work. they concede that their objection to the display, and the reason why the principal ripped down the banner, was not concern that it would cause disruption but that its message would be understood as advocating or promoting illegal drug use. frederick says that the words were just nonsense meant to attract television cameras because they were funny. we nevertheless proceed on the basis that the banner expressed a positive sentiment about marijuana use, however vague and nonsensical.

thus, the question comes down to whether a school may, in the absence of concern about disruption of educational activities, punish and censor non-disruptive, off-campus speech by students during school-authorized activities because the speech promotes a social message contrary to the one favored by the school. the answer under controlling, long-existing precedent is plainly 'no.'
" (le jugement complet est disponible en format pdf)

morse et la commission scolaire pétitionnent ensuite la cour suprême, qui accepte d'entendre la cause, mais la majorité conservatrice fait face à un choix délicat. en effet, d'un côté les conservateurs veulent renverser les protections accordées à la liberté d'expression des étudiants dans les années 60 (lors des manifestations anti-guerre), mais ils veulent aussi éviter de permettre aux commissions scolaires d'interdire la "bonne" dissidence étudiante. eh oui! plusieurs associations chrétiennes de droite appuyaient le jeune frederick, de peur qu'un jugement en faveur de la commission scolaire ne permette la restriction dans les écoles de discours religieux parfois jugés "offensants" (lire "anti-homosexuel" et "anti-avortement").

l'opinion fragmentée de la majorité conservatrice reflète ces hésitations. le juge en chef roberts, auteur de l'opinion principale de la cour, tranche que l'activité était une activité officielle de l'école (alors qu'il s'agissait plutôt d'un congé accordé aux étudiants pour leur permettre d'assister à une activité publique -- de plus, frederick se tenait en bordure d'une route hors du terrain de l'école) et que la bannière fait la promotion formelle de la consommation de marijuana (alors que frederick lui-même et plusieurs autres juges s'accordent pour dire que "bong hits 4 jesus" ne veut pas vraiment dire grand chose) donc que frederick n'était pas protégé par le premier amendement. le juge thomas va plus loin, et recommande l'abolition totale des protections accordées à la liberté d'expression des étudiants. les deux autres juges de la majorité conservatrice, alito et kennedy, précisent quand à eux que ce jugement ne s'applique qu'à la promotion de drogues illégales et pas à aucune autre forme de dissention sociale ou politique (lire "anti-homosexuel" et "anti-avortement").

le juge breyer a fait bande à part, contestant que la cour ait accepté d'entendre la cause comme relevant du premier amendement et argumentant plutôt que la directrice d'école était protégée de ce type de poursuite par son statut d'employée du gouvernement (basé sur le concept de qualified immunity: selon cette interprétation, la preuve doit être faite d'une violation délibérée d'un droit constitutionnel).

les trois autres juges libéraux, quand à eux, rejettent l'interprétation selon laquelle "bong hits 4 jesus" fait la promotion de quoique ce soit et affirment plutôt que le caractère "offensant" du message est basé sur l'interprétation qu'en a fait la directrice d'école. donc, qu'il s'agit véritablement d'une restriction à la liberté d'expression de frederick, basée sur l'opinion personnelle de morse.


deuxièmement, encore plus troublant et porté à ma connaissance par un petit article de hendrik hertzberg dans the new yorker (the dark sider, édition du 9 juillet 2007), qui résume les faits d'une série d'articles du washington post sur le vice-président dick cheney, il semblerait que le vice-président lui-même a constitué la liste des candidats potentiels à la cour suprême. lorsque le président bush a tenté de s'écarter des suggestions de cheney (en tentant de nommer à la cour une alliée fidèle depuis le début de sa carrière politique au texas, harriet miers), le vice-président a monté une forte opposition conservatrice à la nomination, forçant bush à retourner à la liste précédemment établie:

"cheney [...] drew up and vetted a list of five appellate judges from which bush drew his supreme court appointments. after naming john roberts to the court and then to the chief justice's chair, the president, for once, rebelled: without getting permission from down the hall, he nominated his old retainer harriet miers for the second opening. ('didn't have the nerve to tell me himself,' cheney muttered to an associate, according to the post.) but when cheney's right-wing allies upended miers, bush obediently went back to cheney's list and picked samuel alito. the result is a court majority that, last thursday, ruled that conscious racial integration is the moral equivalent of conscious racial segregation."

comme l'affirme en éditorial le new york times d'aujourd'hui: "time and again the court has ruled, almost always 5-4, in favor of corporations and powerful interests while slamming the courthouse door on individuals and ideals that truly need the court's shelter." l'éditorial poursuit en nommant de multiples autres injustices cautionnées par la cour roberts: l'abolition de restrictions sur les publicités de groupes d'intérêts pendant les campagnes électorales, l'abolition des peines financières imposées à phillip morris, l'abolition d'une mesure vieille de 96 ans interdisant aux manufacturiers d'imposer un prix minimum de vente au détaillants, le rejet d'une mesure d'appel d'un prisonnier déposée quelques jours en retard parce qu'un juge d'une cour inférieure s'était trompé de date, etc. toutes des décisions qui vont à l'encontre de la jurisprudence établie! l'éditorial se termine avec le constat que "it has been decades since the most privileged members of society -- corporations, the wealthy, white people who want to attend school with other whites -- have had such a successful supreme court term." de plus, un autre article du new york times, "in steps big and small, supreme court moved right", paru le premier juillet dernier, démontre à quel point le bloc conservateur de la cour (roberts, scalia, alito, thomas) vote constamment selon la ligne politique républicaine, alors que les autres cinq juges basent leur dissidence ou leur appui à la majorité selon leur interprétation de la jurisprudence. ce qui, couplé avec le fait que deux nominations récentes ont été choisies spécifiquement par cheney, démontre qu'il y a une tentative délibérée de modifier profondément, et selon une ligne uniquement partisane, l'essence même de la justice au états-unis.

et pensez que cette même cour va se pencher lors de sa prochaine session sur la notion d'habeas corpus à la lumière de la "guerre au terrorisme"...!

20070704

la muse patate...

un peu de poésie à propos de minces tranches de pommes de terre frites, gracieuseté du new york times d'aujourd'hui, qui consacre un article aux joies des chips (selon l'article, le 4 juillet et le memorial day sont les deux fêtes américaines où la consommation de chips atteint des sommets):

"opening a fresh bag of chips is a deceptively simple wonder. there is such promise riding on the rush of potato-y air. the crunch of that first salty chip, crisp and unblemished by moisture and oxygen, is one of life’s most underrated great food moments."

20070629

la pire cour suprême des é-u depuis "dred scott" ?

depuis les premières rumeurs de retraite de feu le juge william rehnquist, j'ai été fasciné par l'évolution récente de la cour suprême des états-unis. suite au décès de rehnquist, juge en chef de 1986 à 2005, et suite à la retraite de la juge sandra day o'connor en 2006 (nommée à la cour sous la présidence de ronald reagan, elle fut le vote décisif dans plusieurs causes récentes), l'administration bush se retrouvait devant la possibilité de nommer non pas un mais deux nouveaux juges à la cour -- une opportunité inespérée pour le parti républicain de promettre à son électorat fondamentaliste de renverser la jurisprudence des 50 dernières années. l'administration bush a profité de sa majorité d'alors au congrès pour nommer samuel alito en remplacement de sandra o'connor et john roberts comme nouveau juge en chef après la mort de rehnquist. ces deux juges très conservateurs ont rejoint sur le banc deux autres comparses idéologues: antonin scalia (qui affirme que la série télé 24 est un exemple à suivre dans l'interprétation des droits constitutionnels!) et le libidineux et silencieux clarence thomas. le juge anthony kennedy, conservateur plus libertarien lui aussi nommé sous reagan, est maintenant considéré comme le swing vote de cette cour (position jusqu'à récemment attribuée à o'connor).

et quand je parle de renverser 50 ans de jurisprudence, ce n'est pas une exagération littéraire: avec un jugement rendu hier à propos des mesures de discrimination positive de certaines comissions scolaires pour contrer la ségrégation raciale dans les écoles publiques américaines (meredith v. jefferson county board of education), la cour du nouveau juge en chef roberts renverse de façon éhontée l'esprit de brown v. board of education, la décision de 1953 qui mettait fin en théorie à la ségrégation raciale dans les écoles! comme le rapporte le new york times d'aujourd'hui:

writing for the other four justices in the majority, chief justice roberts took a harder line. in an unusual effort to cement his interpretation of brown, he quoted from the transcript of the 1952 argument in the case.

"we have one fundamental contention," a lawyer for the schoolchildren, robert l. carter, had told the court more than a half-century ago. "no state has any authority under the equal protection clause of the fourteenth amendment to use race as a factor in affording educational opportunities among its citizens."

chief justice roberts added yesterday, "there is no ambiguity in that statement."

but the man who made that statement, now a 90-year-old senior federal judge in manhattan, disputed the chief justice's characterization in an interview yesterday.

"all that race was used for at that point in time was to deny equal opportunity to black people," judge carter said of the 1950s. "it's to stand that argument on its head to use race the way they use is now."

et pour cette cour ce n'est qu'un début, car la vrai décision à renverser selon les fondamentalistes républicains, c'est bien sûr roe v. wade, qui en 1973 renversait toutes les lois fédérales et d'état interdisant ou limitant l'avortement, selon une interprétation du droit à la vie privée des femmes basée sur le neuvième amendement de la constitution américaine qui explicite que les droits mentionnés nommément dans la constitution ne peuvent permettre de limiter d'autres droits tenus pour acquis par le peuple ("the enumeration in the constitution, of certain rights, shall not be construed to deny or disparage others retained by the people.").

oui, cette cour idéologiquement aveugle à la jurisprudence élémentaire est maintenant la pire jamais vue depuis le XIVe siècle, lorsque la cour du juge en chef taney avait précipité en partie la guerre civile américaine avec la décision dred scott v. sandford, qui refusait la nationalité américaine à tous les descendants africains, esclaves ou non, et de plus interdisait au congrès de légiférer sur l'esclavagisme dans les nouveaux territoires. décision abolie par les treizième et quatorzième amendements à la constitution, banissant l'esclavage, adoptés sous la présidences de lincoln.

20070628

"i'm as mad as hell, and i'm not going to take this anymore!"

dans la catégorie "rares moments d'humanité à la télévision", une animatrice de la chaîne msnbc se refuse obstinément à parler de la remise en liberté d'une riche héritière adulée des médias:

20070525

on le savait déjà !

vu aujourd'hui sur le site du wall street journal: "american men in their 30s today are worse off than their fathers' generation, a reversal from just a decade ago, when sons generally were better off than their fathers, a new study finds." non mais, quelle surprise! l'article nous offre également un autre splendide understatement caractéristique de la presse économique: "the up escalator that has historically ensured that each generation would do better than the last may not be working very well." les nouveaux trentenaires auraient pu vous le dire il y a dix ans; on s'en était déjà rendu compte alors...

20070524

olbermann vs les démocrates

encore une fois, je reste bouche-bée devant la verve de keith olbermann, qui anime l'émission countdown sur la chaîne câblée msnbc. si vous avez le moindrement suivi l'insipide tentative de bras-de-fer entre le congrès démocrate et la maison blanche au sujet du financement de la guerre en irak, vous serez aussi satisfaits que moi de sa tirade:

par ailleurs, un sondage new york times/cbs news, publié aujourd'hui, révèle que maintenant 76% des américains désapprouvent de la conduite de la guerre (une hausse de 10 points en un mois!), 61% pensent que l'invasion de l'irak était une erreur (duh!) et 72% considèrent que leur pays n'est présentement pas sur la bonne voie. et pourtant la majorité démocrate se refuse encore à passer à l'offensive sur le plan politique. soulignons deux exceptions: le sénateur ross feingold (wisconsin) et le représentant dennis kucinich (ohio). vous pouvez lire leur réaction quand à la position de leur parti sur le site du magazine the progressive.

20070412

kurt vonnegut, 1922-2007

"i'm jeremiah, and i'm not talking about god being mad at us. i'm talking about us killing the planet as a life-support system with gasoline. what's going to happen is, very soon, we're going to run out of petroleum, and everything depends on petroleum. and there go the school buses. there go the fire engines. the food trucks will come to a halt. this is the end of the world. we've become far too dependent on hydrocarbons, and it's going to suddenly dry up. you talk about the gluttonous roaring twenties. that was nothing. we're crazy, going crazy, about petroleum. it's a drug like crack cocaine. of course, the lunatic fringe of christianity is welcoming the end of the world as the rapture. so i'm jeremiah. it's going to have to stop. i'm sorry."

c'est le constat de fin du monde que présentait l’écrivain américain kurt vonnegut, décédé hier à l’âge de 84 ans, dans une entrevue accordée au magazine rolling stone en août 2006. au journaliste qui lui demandait ce que les plus jeunes pouvaient faire pour contribuer à inverser cette tendance, il a répondu: "there is nothing they can do. it's over, my friend. the game is lost." ce mélange troublant de désespoir sobre et d’humour, c’est le calypso de bokonon que nous lègue cet écrivain atypique, auteur certes du bien connu slaughterhouse-five (1969), mais aussi de deux des plus belles oeuvres de science-fiction humaniste: the sirens of titan (1959) et cat's cradle (1963).

la notice nécrologique du new york times souligne que "like mark twain, mr. vonnegut used humor to tackle the basic questions of human existence: why are we in this world? is there a presiding figure to make sense of all this, a god who in the end, despite making people suffer, wishes them well? he also shared with twain a profound pessimism. "mark twain, " mr. vonnegut wrote [...] "finally stopped laughing at his own agony and that of those around him. he denounced life on this planet as a crock. he died."

espérons que maintenant, vonnegut traverse l’espace, prisonnier d’un infundibulum chrono-synclastique, et profite de bons moments en compagnie des trafalmadoriens.

 

20070201

le véritable visage de la croyance

un sondage publié dans la revue american sociological review en avril 2006 révélait que les américains classent les athées en deçà des musulmans, des immigrants récents et des homosexuels comme groupe social "partageant leur vision de la société américaine". ce qui me laisse songeur: si d'une part je ne suis pas surpris du résultat, je me questionne à savoir si les athées américains sont l'objet des mêmes gestes discriminatoires violents.

et bien hier soir, à l'émission de paula zahn sur cnn, on présentait le fait divers suivant: un couple et leur enfant auraient été chassés d'une petite ville du mississipi après s'être plaints de la place trop grande accordée à l'étude de la bible à l'école élémentaire municipale. outre les regards mauvais, les messages téléphoniques menaçants, les graffitis, etc. le journal local a fait ses manchettes de leur athéisme "militant" et des citoyens on même harcelé l'employeur du père, l'accusant d'être responsable d'avoir accueilli des athées au sein de leur communauté. mais c'est véritablement le débat télévisé qui a suivi ce reportage qui m'a ouvert les yeux sur la haine généralisée que porte l'opinion publique américaine sur l'athéisme. en voici quelques extraits:

zahn: and welcome back. we're talking about whether there's widespread discrimination against atheists, folks who don't believe in god. let's check out with our out in the open panel now. [...] so do you think atheists should keep their religious beliefs secret? what's their beliefs period?

hunter: what does an atheist believe? nothing. i think this is such a ridiculous story. are we not going to take "in god we trust" off of our dollars? are we going to not say "one nation under god?" when does it end? we took prayer out of schools. what more do they want?

zahn: are any of you going to defend them here tonight?

schlussel: no, i agree with her 100 percent. i think that the real discrimination is atheists against americans who are religious. listen, we are a christian nation. i'm not a christian. i'm jewish, but i recognize we're a christian country and freedom of religion doesn't mean freedom from religion. and the problem is that, you have these atheists selectively i believe attacking christianity.

smith: [...] i don't think people care too much about it. we're a christian country. there's no question about that. i love the lord. so does karen, so does everybody that i know. but the reality is that you're entitled to believe what you want as long as you're not imposing your beliefs on other people.

zahn: is that what you think they're really doing?

hunter: [...] i think they need to shut up and let people do what they do. no, i think they need to shut up about it.

smith: i don't think they need to shut up. the reason why i don't think they need to shut up is because there's a whole bunch of people in this world that we can look at and say they need to shut up and they certainly don't. you got everybody fighting for their own individual cause. this is their cause. we might not like it. i don't agree with it at all, but they do have a right.

hunter: i think they need to shut up about crying wolf all the time and saying that they're being imposed upon. i personally think that they should never have taken prayer out of schools. i would rather there be some morality in schools.

schlussel: [...] they are on the attack. it's obnoxious and they do need to shut up.

zahn: [...] what i find so interesting is when you look at the statistics, that they were the most hated of all the minorities.

smith: i'm not even willing to believe that. that's news to me. i heard that, i read that, i just don't believe it.

mais le bijoux de l'échange est le commentaire suivant:

schlussel: [...] europe is becoming islamist. it's fast falling and intolerance is increasing. that's the one reason our country has not become like europe because we have strong christians and because atheists are not strong. and i think that's a good thing.

20070123

protéger l’intégrité de missives explosives?

un article du new york times a piqué ma curiosité hier: il semblerait que les écrits de ted kaczynski, le terroriste luddiste connu sous le nom de unabomber, seront vendus aux enchères par ordre de la cour. les 40,000 pages de documents (missives, textes et manifestes), saisis dans sa cabine du montana -- d’où il conduisait sa campagne d’attentats postaux -- seront expurgés de toutes références à ses victimes et les fonds obtenus par la vente seront remis aux familles qui réclamaient une compensation financière. emprisonné depuis 9 ans, kaczynski, qui a évité la peine capitale en plaidant coupable, conteste cette décision et plaide que d’expurger ses écrits enfreint le premier amendement de la constitution américaine protégeant la liberté d’expression. kaczynski avait l’intention de léguer lui-même ses documents (non expurgés) à l’université du michigan, qui possède déjà une grande collection documentant les mouvements anarchistes et de protestation ouvrière.

20070117

une mort encore plus difficile

je ne veux pas transformer ce blog en chronique nécrologique mais le globe and mail de ce matin mentionnait le décès de la harpiste et pianiste alice coltrane, samedi dernier à los angeles.

oui, elle était l'épouse de john coltrane et fut fortement inspirée par lui, mais sa propre musique m'a toujours enchantée par sa profonde vitalité et sa puissance à évoquer une spiritualité libre de dogmes. selon moi, elle fut l'une des rares compositrices à manier si brillamment la fluidité de l'improvisation afro-américaine avec un lyricisme oriental réfléchi et interiorisé.

transfiguration, son album live de 1978, restera toujours pour moi un émouvant hommage à la vie et à la puissance de la musique.

20070109

l'inventeur des nouilles ramen est mort

m. momofuku ando est mort vendredi dernier à l'âge de 96 ans. le new york times lui rend hommage avec une prose magnifique. je n'aurais jamais imaginé lire d'aussi belles phrases à propos de nouilles déshydratées: "ramen noodles […] are a dish of effortless purity. like the egg, or tea, they attain a state of grace through a marriage with nothing but hot water. after three minutes in a yellow bath, the noodles soften. the pebbly peas and carrot chips turn practically lifelike. a near-weightless assemblage of plastic and foam is transformed into something any college student will recognize as food, for as little as 20 cents a serving."