outre le fait qu'en ma nouvelle qualité d'intellectuel "de gouvernement" (oui oui, je sais, vous payez pour ça*) j'ai passé les trois derniers mois plongé dans deux cycles d'évaluation, sans compter quelques comités ad hoc, il y a aussi que tous les débats de la commission bouchard-taylor n'ont finalement été que le reflet fidèle de mes préjugés à leurs égards: prévisibles et insipides. il y a bien de temps à autre un moment drôle, comme lorsque que charles taylor à voulu forcer un soit-disant intellectuel à préciser sa pensée en lui demandant si la position qu'il présentait à la commission était rousseauiste, seulement pour se rendre compte que l'homme en question ne savait absolument pas à quoi taylor faisait référence, semblant réellement surpris que les idées qu'il défendait puissent avoir été déjà formulées (et plus éloquemment, quand même) par un autre, deux siècles plus tôt (!).
mon prix de consolation pour avoir espéré quelque chose de l'exercice est l'appui incontestable que porte la population québécoise à la laïcité dans l'espace public. espérons que nous pourrons encore longtemps éviter le genre de situation vécue présentement sur la scène politique aux états-unis, où, comme le résume si bien john whitehead sur huffington post, "despite the constitution's clear prohibition of a religious test for office, the race for the white house has turned into a campaign to get americans to vote -- or not vote -- in blocs for particular candidates based on their religious beliefs." (tiens tiens, je crois que je vais vous préparer un petit topo sur les candidats républicains mike huckabee et mitt romney, vous allez rire! ou peut-être pas)
m'enfin, tout ça pour en venir à la place de l'intellectuel dans la société et, à ce sujet, je voulais attirer votre attention sur l'excellent dossier guerre des idées (édito de ramonet, suivi de liens vers tous les articles du dossier), paru dans le monde diplomatique en mai 2006. surtout, jetez un oeil à leur petit florilège de citations sur le rôle de l'intellectuel: "tout intellectuel a ce qu’on appelle des intérêts idéologique [...] bien que j’aie toujours contesté la bourgeoisie, mes œuvres s’adressent à elle, dans son langage..." - sartre; "les intellectuels sont de leur temps, dans le troupeau des hommes menés par la politique de représentation de masse qu’incarne l’industrie de l’information ou des médias; ils ne peuvent lui résister qu’en contestant les images, les comptes rendus officiels ainsi que les justifications émanant du pouvoir..." -said.
aussi, dans on en est là..., jacques bouveresse constate: "l’intellectuel d’aujourd’hui [...] a cessé d’éprouver [...] un sentiment de gêne quelconque. il est – on vient de l’observer une nouvelle fois lors des manifestations de la jeunesse contre la précarité – plutôt respectueux de tous les pouvoirs établis, à commencer par celui du marché et de l’argent. il est intarissable sur les questions morales, mais ne veut pas être ennuyé avec les questions de justice sociale et les questions sociales en général. il s’abstient soigneusement, dans la plupart des cas, de faire la leçon aux représentants du grand capital, mais la fait volontiers à ceux des milieux sociaux les plus défavorisés."
sur une note plus légère, prenez ce jugement de perry anderson à propos de bernard-henri lévy (cité dans l'article de bouveresse): "il serait difficile d’imaginer une inversion plus radicale des normes nationales en matière de goût et d’intelligence que l’attention accordée par la sphère publique en france à ce grand nigaud, en dépit des preuves innombrables de son incapacité à saisir correctement un fait ou une idée. une telle caricature pourrait-elle exister dans une autre grande culture occidentale aujourd’hui?" et ensuite rappelez-vous qu'ici on laisse richard martineau s'affubler du qualificatif d'intellectuel sans contestation notable! (quand même, un morceau de robot à mistral, pour son bel effort, et, non, le bon mot de laferrière ne suffit pas).
dans le prochain et dernier billet sur le sujet (pour l'instant) je vais vous résumer l'incroyable rencontre que j'ai eu avec james early en avril dernier. très bientôt, car ensuite je vais avoir besoin de ce blogue pour m'épancher sur les élections américaines...
mise à jour (9 décembre)! sur le blogue 1924, notre camarade folksigner nous rappelle très justement que "ce monde, loin d'être mou et informe, comme les réactionnaires aiment à le peindre, est d'une dureté difficilement soutenable. lutter contre lui demande à se placer du point de vue contraire. les écrivains maudits sont ceux qui ont confronté le pouvoir, pas ceux qui l'ont appelé de leurs voeux." (son billet est à lire en entier, il est excellent)
(*) à propos des subventions aux artistes: quoique j'ai rigolé à la lecture du petit lexique de la conspiration dépressionniste, je ne m'explique toujours pas leur position libertarienne sur l'appui aux arts, alors qu'il s'agit quand même d'argent distribué pour ne pas travailler (dans le sens de recevoir un salaire horaire pour la production de biens ou de services) et se consacrer à la création d'un artefact inutile (sonore, visuel, médiatique) ou à l'expression éphémère d'une sensibilité (danse, performance, théâtre). on peut difficilement trouver (à part les crédits d'impôts aux grandes entreprises) acte gouvernemental plus "gratuit". j'ai plutôt l'impression qu'ils confondent les subventions commerciales (pour les gros producteurs de spectacles et de festivals et aux majors de l'industrie) avec celles distribuées par le conseil des arts et des lettres du québec et le conseil des arts du canada (et rappelons que ce dernier ne représente tout de même que 8% de l'investissement fédéral canadien en "culture"). on m'a promptement exclu quand j'ai soulevé la question par courriel il y a quelques temps déjà -- j'ai participé aux deux premiers numéros -- et je me suis dit qu'elle méritait finalement d'être posée publiquement... parce que, lorsqu'on y pense, à québec les artistes subventionnés et le lumpen intelligentsia dépressionniste ne devraient-ils pas plutôt avoir des ennemis communs, par exemple les critiques hégéliens du voir? (ha! ha!)
Yo! Welcome back! Je comprends juste pas l'allusion aux hégéliens du voir? Donne des news dans le privé...
ReplyDelete+
SP
Sorry, tu devais faire allusion à ça. A quoi je répondrais : attends, t'as pas lu son recueil de poésie...
ReplyDeleteen effet, à ceux qui ne sont pas des artistes subventionnés de québec, le critique hégélien du voir est une allusion à l'affaire motulsky-falardeau.
ReplyDeletesp, des news privées arrivent dans ton inbox d'une minute à l'autre. en passant, ton billet sur 1924 est vraiment excellent!
Ahhhhhh. Merci de mettre à jour nos amis (peu de chances de me tromper en ne mettant pas de E à amis-pas beaucoup de filles dans cette gang-là...) de la Conspiration à-propos des sales artistes subventionnés. Bon, je comprends que les indiens c'est des crosseurs, mais pas no'Z'artistes.
ReplyDeletePour ce qui est de l'affaire Motulsky-Falardeau, le critique-pompier du Voir (je pense régulièrement au monologue de Deschamp sur les américains en voyant l'hebdomadaire culturel. "On veut pas le savoir, on veut LE VOIR"), ce mec est mieux de faire attention à ce qu'il dira sur mon travail quand je vais exposer à Qc. ..
Et pour ce qui est de la place de l'intellectuel dans la société québécoise, je donne toujours l'exemple triviale à mes proches: c'est donc platte et intolérable de faire apprendre les leçons et de vérifier les devoirs de ses enfants. "PAs de temps dans notre société en 2007", "C'est pas mon travail de parents, c'est le travail de l'école", etc. Mais se lever à 5h du matin pour amener Junior à la pratique de hockey le dimanche matin, là pas de problème, c'est bon pour la santé, il va devenir un winner, etc. C'est ça l
'importance de l'intellectuel dans notre société. Tant que ça prenne pas trop de temps et de place.
interventionniste: à la base, mon problème c'est qu'on est soit TOUS des crosseurs (artistes, étudiants, assistés sociaux, autochtones, personnes âgées, etc.) ou bien il y a d'AUTRES crosseurs plus importants à attaquer (blackwater, news corp, québécor, les lucides, etc.). défendre les étudiants et attaquer les artistes me semble antinomique, sutout en perspective des politiques gouvernementales pour l'un et l'autre.
ReplyDeleteoui, et j'espère que tu as compris ma blague. Ou plutôt qu'ils ont compris ma blague!
ReplyDeleteinterventionniste, j'avais totalement compris la blague.
ReplyDeletec'est juste que je ne comprends pas leur double standard... surtout que toi et moi, on est le genre qui donneraient volontier une subvention d'art médiatique à "2 girls 1 cup", par exemple!
philosophiquement, nous ne sommes pas si loin!
Si je peux me permettre 3 choses
ReplyDelete- La première est qu'il est faux de dire publiquement: «on m'a promptement exclu quand j'ai soulevé la question par courriel il y a quelques temps déjà». C'est à la fois injuste et malhonnête, je te rappelle que tu as toi même signifié ton mécontentement sur certains points de vue dans un mail intitulé «C'est assez» dans lequel tu exprimais ton désir de ne plus participer à la liste. On a toujours respecté ton choix. Maintenant, de façon indivuduelle, je ne peux savoir ce que chacun pense. Et ce n'est que très peu important. Mais la Consdep ne t'a jamais «exclu», tu es d'ailleurs toujours le bienvenu.
- Pour ce qui est des questions sur l'art, je te renvoie à un texte co-signé par Mathieu Gauthier et moi qui soulève ces questions de façon plus sérieuse et qui ne se complaît pas dans «l'hégélianisme« du Voir dont vous parlez (toi et l'Interventionniste). Il s'agit du seul point de vue soutenu sur le sujet par la Consdep depuis son premier numéro à l'exception de l'entrée «artiste» du lexique, qui est passablement niaiseuse.
- Ce n'est certes pas la place pour faire ce débat, par contre utiliser l'argument selon lequel : «il y a d'AUTRES crosseurs plus importants à attaquer (blackwater, news corp, québécor, les lucides, etc.)» reviendrait à dire, par exemple, qu'il vaut mieux ne pas critiquer la tournure que prend le débat sur les accomodements raisonnables, parce qu'il y a des endroits dans le monde où la liberté d'expression n'existe même pas. Alors, pourquoi perdre son temps à tenir un blog sur les dérives de la démocratie radicale quand on sait que plus des 2/3 de la population mondiale n'exerce même pas de droit démocratique ?
Ce dont il est question dans notre texte sur l'art --mentionné plus haut--est précisément le rapport de domination qu'exercent aujourd'hui les institutions culturelles (qu'on y trouve notre compte ou pas). Je t'invite à le lire pour avoir une base commune dans un éventuel débat.
En définitive, ce n'est pas parce ce que sur la liste «dépressionniste» (liste privée à laquelle seulement 15 personnes ont accès) on a souvent ri des artistes subventionnés et que nous l'avons fait dans le cadre du «lexique dépressionniste» que l'on se réclame publiquement d'être «contre» l'art subventionné. Aucunement. Ça serait nous attribuer des propos qui ne sont pas les nôtres et que nous n'avons jamais défendus. Je suis très sensible à ton argument selon lequel il s'agit d'une possibilité de ne pas travailler et que ce n'est pas totalement différent d'étudier (quoi que l'on pourrait nuancer cette proposition). Mais tout autant que l'on rit du ridicule de mille choses, on peut rire de la situation propre à notre époque d'un art presque entièrement au service de l'État, ce que Yves Michaud (pas le québécois, mais le français) nomme un formalisme d'État, inhérent à la nature propre du fonctionnement des institutions de reconnaissance par les pairs.
Si soulever ces questions d'un point de vue critique ou humoristique n'est pas admissible sous prétexte d'un impératif politique utilitariste dont le principe qui structure l'action serait «l'efficacité» selon l'importance économique ou politique, il n'est alors pas plus louable de perdre du temps pour parler de ce que la Consdep, une revue lu par 27 personnes, affirme --peut-être-- au sujet des subventions dans le domaine des arts.
Amicalement,
Jasmin
bonjour jasmin!
ReplyDeletealors voilà quelques éléments de réponse (outre que de terminer avec "ha! ha!" était un bon indicatif):
> mais la consdep ne t'a jamais «exclu»
sans prendre la peine d'aller chercher dans mon compte yahoo, de mémoire, mon "c'est assez" était surtout adressé au fait qu'il y avait beaucoup plus de bashing interne sur la liste que d'échanges constructifs (ou gratuits, qu'importe). et j'en ai profité pour aussi soulever le paradoxe "soutenir les étudiants/basher les artistes".
mais surtout, c'est qu'on ne m'a jamais répondu, on m'a seulement retiré de la liste. donc, exclu (pas comme on dit des jeunes des banlieues qu'ils sont "des exclus", dans mon cas j'ai jamais trouvé ça grave ou rien)
> tu es d'ailleurs toujours le bienvenu
super!
> je te renvoie à un texte ... qui soulève ces questions de façon plus sérieuse et qui ne se complaît pas dans "l'hégélianisme" du voir
la conspi est plus du genre post-méta-situ-goatse, et c'est bien.
c'est motulsky-f qui est hégélien avec ses "la poterie est la plus grande forme du beau, pas l'installation"
au fait, ce texte est-il sur votre site, parce que j'ai pas tous les numéros...?
> si soulever ces questions d'un point de vue critique ou humoristique n'est pas admissible...
au contraire, je suis un partisant du critique ET humoristique. et mon blogue lu par 4 personnes est le meilleur endroit pour débattre d'une revue lue par 27. la proportion est idéale, un vrai rectangle d'or!
donc, avant d'aller lire votre texte, si j'ai bien compris jusqu'à présent, notre base commune d'un éventuel débat c'est que tricot machine est TOTALEMENT au service de l'état, non? tricot machine, tila tequila et 2 girls 1 cup = l'état.
non, vraiment! ;)
aussi, plus sérieusement cette fois, je crois qu'une partie de notre problème est sémantique: c'est qu'il y a une différence entre "l'art subventionné" en tant que qualificatif du genre de produit culturel appuyé par l'état que nous sert l'industrie (comme les gros fonds de redevances de la radio, de la télévision et du cinéma qui sont redistribués aux productions "performantes") et "les subvention aux arts" en tant qu'institution keynésienne (une corporation publique qui a pour mandat de distribuer des fonds publics à des citoyens reconnus par leurs pairs... et les résultats sont rendus publics... et les comités décisionnels changent à chaque évaluation... etc.)
ReplyDeletej'ai bien aimé "critères esthétiques et jugement de goût" de michaud, tout comme j'ai trouvé que domecq, dans "artistes sans art?", avait plusieurs bons points, même si son livre me tape beaucoup sur les nerfs.
La lumpen intelligentsia dépressionniste? Je l'aurais trouvée drôle si tu savais écrire sans faire de fautes. En passant, on n'a rien contre les subventions artistiques, mais on en a beaucoup contre les artistes poches qui les reçoivent.
ReplyDeleteFautes pour fautes, surveille les tiennes Yannick : tu as écrit "on" à la place de "je".
ReplyDeleteyannick: c'est un blogue, ne pas se relire fait partie de l'idiome
ReplyDeleteEt quand est-ce qu'un artiste devient poche selon les critères de monsieur Lacroix?
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