20041029

pensée pour moi-même...

... que je partage avec tous ceux qui, comme moi, s'inquiètent d'une élection américaine à laquelle ils ne peuvent participer: "le maître d'un homme, c'est celui qui a la puissance sur ce que veut ou ne veut pas cet homme, pour le lui donner ou le lui ôter. que celui donc qui veut être libre, n'ait ni attrait ni répulsion pour rien de ce qui dépend des autres; sinon, il sera fatalement malheureux." (épictète, manuel, xiv-2)

tout ça pour vous recommander de faire comme moi et de ne pas trop écouter cnn d'ici mardi: lisez plutôt un livre, ça donne le recul nécessaire.

20041027

enfin!

l'armée britannique enrôle son premier sataniste

londres (reuters) - l'armée britannique a enrôlé son premier adepte du satanisme, un technicien de la navy ayant été autorisé à pratiquer sa foi au cours des missions en mer, a annoncé dimanche le ministère de la défense.

à l'appui de cette décision, un porte-parole a déclaré que le ministère de la défense respectait "l'égalité des chances" en tant qu'employeur et ne pratiquait pas de discrimination fondée sur les croyances religieuses de ses employés.

... selon le sunday telegraph, chris cranmer, ecossais âgé de 24 ans, a obtenu qu'un service funéraire soit organisé par l'eglise de satan au cas où il viendrait à mourir pendant une opération militaire. cette eglise a été fondée dans les années 1960. le terme de "satanisme" recouvre de nombreuses croyances, dont l'une tient satan pour une force de la nature.

20041026

triste débat...

oui, un bien triste débat que nous offre le devoir à propos de cet espace musique terriblement boîteux. un auditeur reprend l'argument de la direction comme quoi la culture se retrouve sur la première chaîne, mais je ne vois pas comment les plogues de romans à la mode ou les entrevues avec des comédiennes incultes aide au rayonnement de la musique diffusée sur une autre chaîne. ensuite nous avons droit au témoignage d'un auditeur satisfait. il est satisfait parce qu'il y a pire ailleurs mais semble comprendre le problème de travers: les gens ne s'opposent pas tant à l'éclectisme de la programmation qu'à l'absence de la réflexion culturelle autour de la musique et d'une mise en contexte nécessaire des oeuvres. mais il ajoute: "est-ce trop demander qu'une chaîne comme espace musique diffuse simultanément la même journée de la musique classique, de la chanson, du jazz, des musiques du monde et d'autres musiques émergentes? ... je suis désolé, mais la culture et le savoir ne doivent pas être exclusifs aux riches, aux apparatchiks scientifiques et littéraires ou à des diktats de l'air du temps." alors que le "diktat de l'air du temps" est justement ce sirop sonore mièvre et complaisant qui lui plait tant.

ce qui me dérange le plus, en fait, c'est cette condescendante étiquette "émergente". un troisième auditeur en rajoute: "actuellement, à la suite des mutations récentes et de la mondialisation de la culture, on accorde droit de cité aux tendances émergentes." mais la musique émergente, ce n'est pas une esthétique et encore moins une qualité. ça n'existe tout simplement pas en tant que genre: la seule musique qu'on peut qualifier d'émergente c'est la pop qui n'a pas encore rejoint sont marché, signifiant que son aboutissement est la reconnaissance de sa viabilité commerciale, sa validation par l'industrie. alors les musiques "émergentes", non merci: cette radio n'a pas à devenir un terrain d'essai pour les futures recrues des ondes commerciales.

ce qui manque terriblement à cette nouvelle programmation, c'est la musique de création. c'est cette disparition qui touche au coeur du problème. où est passé tout ce qui est "difficile"? tout ce qui nécessite des écoutes répétées pour en apprécier le suc? et même tout ce qui "ne s'écoute pas"? dans cette "réingénierie" culturelle, tout ce qui donne le goût de parler, de débattre, de penser est absent. et c'est là le véritable scandale auquel il faut faire face.

20041025

la tentation nihiliste

il est de ces livres que la plupart des gens qualifient de "déprimants" et qui sont pour nous, pessimistes négativistes, de veritables soulagements. et bien dans le même régistre que le très amusant livre de michel bounan la vie innomable (éditions allia), je suis en train de savourer ce plaisant ouvrage de roland jaccard, la tentation nihiliste (presses universitaires de france). ces deux extraits m'ont particulièrement frappés par leur justesse:

"il en est du plaisir comme de l'argent: on trime beaucoup pour en gagner peu et on dépense tout pour ne jouir de rien. on oublie de même que marx a envisagé une conséquence, catastrophique à ses yeux, de la lutte des classes: la disparition de la bourgeoisie et du prolétariat au profit d'une unique classe moyenne. le sexe, sauf dans nos sublimes automystifications, n'aboutit pas plus à la jouissance que la lutte des classes ne débouche sur la révolution ou le socialisme. tout est miné de l'intérieur: plus l'organisme se révèle fragile, plus il rêve d'orgies et d'apocalypses." (p. 16)

"on l'a souvent relevé, mais le fait demeure troublant: aucune civilisation, aucune autre culture - historique ou exotique - n'a jamais disposé d'autant d'instruments d'identification et, par conséquent, d'homogénéisation de la société. or aucune n'a connu pareille crise d'identité. l'homme de la modernité, quand il n'est pas schizophrène, est volontier schizoïde; incommunicabilité, solitude, ennui, morosité, dégoût, ces maîtres mots de la détresse subie et acceptée font partie intégrante de son expérience. du cabinet du médicastre comme du divan du psychanalyste s'élève la lugubre camplainte des incompris, des angoissés, des suicidaires, des insatisfaits, des dépressifs, des laissés pour compte..., comme si l'homme de la modernité ne s'appréhendait qu'à travers ses troubles, ses symptômes, ses désordres biologiques et psychiques. la maladie est le dernier refuge de la créativité."(p. 45)

20041018

cette foi qui bombarde des montagnes...

c'est le blog and then... qui a attiré mon attention sur ce reportage de ron suskin paru cette fin de semaine dans le new york times magazine, without a doubt. une lecture incontournable parce que sa fonction n'est pas de conforter les préjugés anti-bush, mais justement de prouver que ce ne sont pas des allégations farfelues, mais une véritable et dangereuse réalité. un extrait pour vous convaincre d'aller lire l'intégralité de l'article: "in the oval office in december 2002, the president met with a few ranking senators and members of the house, both republicans and democrats. in those days, there were high hopes that the united states-sponsored "road map" for the israelis and palestinians would be a pathway to peace, and the discussion that wintry day was, in part, about countries providing peacekeeping forces in the region. the problem, everyone agreed, was that a number of european countries, like france and germany, had armies that were not trusted by either the israelis or palestinians. one congressman -- the hungarian-born tom lantos, a democrat from california and the only holocaust survivor in congress -- mentioned that the scandinavian countries were viewed more positively. lantos went on to describe for the president how the swedish army might be an ideal candidate to anchor a small peacekeeping force on the west bank and the gaza strip. sweden has a well-trained force of about 25,000. the president looked at him appraisingly, several people in the room recall.

i don't know why you're talking about sweden," bush said. "they're the neutral one. they don't have an army."

lantos paused, a little shocked, and offered a gentlemanly reply: "mr. president, you may have thought that i said switzerland. they're the ones that are historically neutral, without an army." then lantos mentioned, in a gracious aside, that the swiss do have a tough national guard to protect the country in the event of invasion.

bush held to his view. "no, no, it's sweden that has no army."

the room went silent, until someone changed the subject.
"

kilgore trout est mort!

incroyable mais tristement vrai: dévasté par l'impression que w bush sera réélu, cette vieille canaille de kilgore trout s'est suicidé au draino vendredi soir dernier. cet écrivain raté était à la fois un personnage de l'écrivain américain kurt vonnegut et, sous la plume de plusieurs, un véritable auteur. vonnegut a discuté avec son avatar peu de temps avant son départ, cet entretient est publié sur le site in these times sous le titre requiem for a dreamer: "the overwhelming popularity of president bush, in spite of everything, finally shows us what the american people, whom we have so sentimentalized for so long, a la norman rockwell, really are, thanks to tv and purposely lousy public schools: ignorant. count on it!"

par la même occasion, je vous conseille de lire cet autre article de kurt vonnegut, i love you, madame librarian: "i want to congratulate librarians, not famous for their physical strength or their powerful political connections or their great wealth, who, all over this country, have staunchly resisted anti-democratic bullies who have tried to remove certain books from their shelves, and have refused to reveal to thought police the names of persons who have checked out those titles. so the america i loved still exists, if not in the white house or the supreme court or the senate or the house of representatives or the media. the america i love still exists at the front desks of our public libraries."

outrage à derrida, la suite

plusieurs universitaires américains se sont eux aussi offusqués du traitement injuste et xénophobe du new york times dans sa nécrologie de derrida (voir "freeddom philosophy" ?). leurs lettres de protestations y sont reproduites.

20041014

w bush, le pire président mexicain?

le dessinateur mexicain el fisgón publie, à la demande du site tomdispatch.com, un article hilarant intitulé george bush, the worst mexican president ever. en introduction, les travaux de fisgón sont brièvement évoqués, avec des liens vers quel exemples. je vous cite ce paragraphe qui résume bien son ton mordant: "... all evidence suggests that george bush has stolen his ruling style from old-fashioned mexican politicians. mexican political culture has very defined features and the president of the united states has absorbed them all: the classical mexican political boss usually inherits his power from his father. the typical mexican cacique has a love for guns as well as an inclination toward violence and cruelty; he despises legality and intellectual activity, has a personal history of alcoholism and dissipation, lies systematically, and declares himself a faithful servant of god. (did we miss anything?)". l'article est également disponible via common dreams, une source (anglophone) inestimable de nouvelles progressistes.

hommages

un petit retour sur la mort du dernier philosophe. peut-être pour se rattrapper d'avoir été si mesquin dans leur nécrologie officielle, le new york times publie aujourd'hui, sous la plume de mark c taylor, un hommage plus juste: "to people addicted to sound bites and overnight polls, mr. derrida's works seem hopelessly obscure. it is undeniable that they cannot be easily summarized or reduced to one-liners. the obscurity of his writing, however, does not conceal a code that can be cracked, but reflects the density and complexity characteristic of all great works of philosophy, literature and art."

un très bon ami, également outré par le ton de la nécrologie du nyt, m'a suggéré cet hommage en français, disponible sur le site de télérama: "sans vouloir faire de la pensée de derrida la résultante mécanique de sa biographie, retenons le mouvement qui l’a toujours porté vers l’écart, l’errance, la digression, le décentrement, l’illimité, le hors-frontière, le retrait, la bigarrure. et le rapport passionné qu’il a entretenu avec la langue française, comme si elle lui était à la fois intérieure et extérieure et qu’il devait la conquérir, la séduire, l’approfondir, mais aussi lui faire violence, la déstabiliser, la priver de ses certitudes arrogantes."

20041012

subventions, espaces et déserts

une étrange mention à propos de denis vanier dans le devoir de samedi dernier, sous la plume du catho-nationaliste louis cornellier. dans cet article à propos du livre "art, argent, arrangement: le mécénat d'état" de robert yergeau, on peut lire:"denis vanier, par exemple, a reçu douze bourses du cac et huit du mac. ainsi, 'le poète de la marginalité la plus intransigeante a entretenu un commerce intense avec le mécénat d'état. comment ne pas interroger cette posture paradoxale?'

je ne m'attarderai pas sur cette tendencieuse "posture" mais j'aimerais bien comprendre de quel paradoxe s'agit-il? celui de demander des subventions auxquelles l'artiste est éligible? ou bien celui d'être un poète et d'avoir quand même besoin de se loger et de se nourrir? doit-on rappeler que les subventions sont attribuées par jurys de pairs, c'est à dire d'artistes oeuvrant dans la même pratique? doit-on encore rappeler que les subventions sont gérées par des fondations indépendantes des gouvernements en place, justement pour éviter qu'un artiste soit jugé sur ses positions politiques au lieu du mérite artistique de ses projets? doit-on aussi rappeler que quelques milliers de dollars pour 20 ans de pratique artistique, ça ne fait pas un très gros salaire? je ne vois aucun paradoxe à accepter un chèque du gouvernement si l'on conteste l'ordre établi, que ce soit un chèque du conseil des arts ou de la sécurité du revenu.

de quelques réactions à peine lors de l'abolition de la chaîne culturelle (les auditeurs ont donné une chance au coureur), il semble qu'il y ait maintenant une véritable opposition face à cet espace musique très aseptisé. je n'ai rien contre le principe de base, c'est à dire de donner priorité à la diffusion des oeuvres, par contre dans le contexte actuel où ce qui est diffusé n'est pas présenté, où toute réflexion sur l'art est abolie, où des pratiques artistiques très divergentes sont abusivement casées dans le même panier "émergent", je supporte sans retenue les artistes et les auditeurs qui demandent de profonds changements à cette formule.

finalement, un bref retour sur la manifestation vidéo et art électronique organisée à l'incinérateur des carrières sous le thème désert. d'emblée, j'ai été agréablement surpris par l'utilisation de ces lieux magnifiquement lugubres et aux dimensions impressionnantes. par contre, la disposition des multiples installations dans des conteneurs individuels ne permettait qu'à un public restreint de visionner les oeuvres. issue, installation vidéo de la photographe isabelle hayeur, était la plus intéressante. un écran couvrait complètement le mur au fond d'une grande salle de l'incinérateur. la projection en trompe-l'oeil donnait l'impression au spectateur qui s'avance que l'allée se prolongeait progressivement sous ses pas et que l'échappée possible vers un champ ensoleillé se déroberait en permanence.

20041011

"freedom philosophy" ?

la nécrologie de derrida, parue dans le new york times est étrangement virulente: je suis convaincu que celle de kissinger sera plus élogieuse, ce qui m'emmerdre beaucoup. non, mais: "toward the end of the 20th century, deconstruction became a code word of intellectual discourse, much as existentialism and structuralism - two other fashionable, slippery philosophies that also emerged from france after world war ii - had been before it."

freedom philosophy, anyone?

20041005

un blog pour chaque sophisme?

je ne me lance certainement pas dans la mêlée: ces dernières semaines de campagne nationale américaine seront passablement vicieuses. j'ai aussi beaucoup de sympathie pour ceux qui tentent d'embrasser le réel en parcourant les innombrables blog qui tracent des repères instantanés à cette bagarre - alors, non, je résiste à la panique de créer un blog pour dénoncer chaque sophisme.

par contre, je ne peux m'empêcher de noter que, dans ce cafouillis de positions, la faculté de rester conséquent est trop rare. ce qui, considérant les arguments de campagne, n'est pas surprenant. condy rice en est le meilleur exemple: d'un côté elle tente encore de défendre ses exagérations au sujet des capacités nucléaires de l'irak, voulant maintenir la facade des justifications à l'intervention, et de l'autre elle condamne cyniquement le "test global" de kerry, ridiculisant la nécessité de prouver au peuple américain et ses alliés la validité d'une intervention militaire.

dans un régistre plus léger, à la télévision nationale, dimanche, une actrice porno affirmait son droit individuel à exercer un métier sexuel exhibitioniste - dans la perspective où l'on considère encore ces formes ostentatoires de l'érotisme comme un tabou social (on pourra y revenir...) - mais déclarait être en faveur de la peine de mort (!) et que le pardon social est inenvisageable lorsqu'on offense le consensus sécuritaire social.

d'autres excellents exemples de l'hypocrisie schizophrène de la droite nord-américaine.