20041025

la tentation nihiliste

il est de ces livres que la plupart des gens qualifient de "déprimants" et qui sont pour nous, pessimistes négativistes, de veritables soulagements. et bien dans le même régistre que le très amusant livre de michel bounan la vie innomable (éditions allia), je suis en train de savourer ce plaisant ouvrage de roland jaccard, la tentation nihiliste (presses universitaires de france). ces deux extraits m'ont particulièrement frappés par leur justesse:

"il en est du plaisir comme de l'argent: on trime beaucoup pour en gagner peu et on dépense tout pour ne jouir de rien. on oublie de même que marx a envisagé une conséquence, catastrophique à ses yeux, de la lutte des classes: la disparition de la bourgeoisie et du prolétariat au profit d'une unique classe moyenne. le sexe, sauf dans nos sublimes automystifications, n'aboutit pas plus à la jouissance que la lutte des classes ne débouche sur la révolution ou le socialisme. tout est miné de l'intérieur: plus l'organisme se révèle fragile, plus il rêve d'orgies et d'apocalypses." (p. 16)

"on l'a souvent relevé, mais le fait demeure troublant: aucune civilisation, aucune autre culture - historique ou exotique - n'a jamais disposé d'autant d'instruments d'identification et, par conséquent, d'homogénéisation de la société. or aucune n'a connu pareille crise d'identité. l'homme de la modernité, quand il n'est pas schizophrène, est volontier schizoïde; incommunicabilité, solitude, ennui, morosité, dégoût, ces maîtres mots de la détresse subie et acceptée font partie intégrante de son expérience. du cabinet du médicastre comme du divan du psychanalyste s'élève la lugubre camplainte des incompris, des angoissés, des suicidaires, des insatisfaits, des dépressifs, des laissés pour compte..., comme si l'homme de la modernité ne s'appréhendait qu'à travers ses troubles, ses symptômes, ses désordres biologiques et psychiques. la maladie est le dernier refuge de la créativité."(p. 45)

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