- ann coulter
solutions are not the answer
- richard milhous nixon
pour commencer, jetez un coup d'oeil à ce qu'écrivait l'auteur américain hunter thompson en 1994 à propos du président nixon, peu de temps après le décès de celui-ci: "if the right people had been in charge of nixon's funeral, his casket would have been launched into one of those open-sewage canals that empty into the ocean just south of los angeles. he was a swine of a man and a jabbering dupe of a president. [...] let there be no mistake in the history books about that. richard nixon was an evil man - evil in a way that only those who believe in the physical reality of the devil can understand it. he was utterly without ethics or morals or any bedrock sense of decency. nobody trusted him - except maybe the stalinist chinese, and honest historians will remember him mainly as a rat who kept scrambling to get back on the ship." thompson, auteur de fear and loathing in las vegas, s'est suicidé en février dernier. nixon était en quelque sorte sa némésis et il avait, entre autres, couvert la campagne présidentielle de 1972 pour la magazine rolling stones.
pourrait-on encore aujourd'hui publier la même chose dans un média de masse? oui, mais à la condition d'être de droite. au cours des dernières semaines, plusieurs événements sont venus souligner à quel point la liberté d'expression était devenue quasi unidirectionnelle dans le contexte politique nord-américain. pour les newsaholics comme moi, c'est entendu depuis que les corporations médiatiques ont abdiqués leurs responsabilités au lendemain du 11 septembre 2001 en se faisant les porte-voix d'une vengance inutile contre les civils afghans, mais pour le grand public qui consomme essentiellement des nouvelles locales et des talk-shows raccoleurs, l'illusion d'une totale liberté d'expression perdure (et même, pour certains, l'illusion d'un "gauchisme" dans les médias de masse).
quand certains journalistes honnêtes tentent d'aborder le sujet, le choc est assez brutal. émission de la cbc consacrée aux grands reportages d'actualité, the fifth estate diffusait le 26 janvier dernier sticks and stones, un portrait des protagonistes de cette "guerre morale" que livre les thuriféraires de la droite américaine. les deux principales figures du reportage - éclipsant les autres par l'étendue incompréhensible de leur rage - sont l'animateur de télévision bill o'reilly et la columnist ann coulter. le reportage a fait jaser aux états-unis, entre autres pour l'échange entre le journaliste mckeown et coulter dans lequel elle affirme (et insiste) que le canada a participé avec les américains au conflit vietnamien (!). o'reilly, qui a refusé de participer au reportage, a riposté bien à l'aise dans son studio. les téléspectateurs de fox news ont pu apprendre que la cbc était "marxiste", que le gouvernement canadien "controlait l'information", que la chaîne fox news était "interdite au canada" et que "des millions" de canadiens devaient bravement pirater les signaux satellites pour avoir droit aux reportages "justes et équilibrés" de news corp. (pour un portrait mordant des limbaugh, o'reilly et hannity, je vous recommande cet article de wayne madsen, the fourhorsemen of propaganda, publié par counterpunch le 30 avril 2003.)
dans ce contexte, la saga ward churchill est un excellent exemple des balises sociales qui encadrent l'unidirectionalité du discours politique. churchill est professeur à l'université du colorado. peu après le 11 septembre, il a publié un petit pamphlet (some people push back, on the justice of roosting chickens) dans lequel il soulignait que le world trade center était une cible logique et que la plupart de ceux qui y travaillaient n'étaient rien de plus que des "petits eichmann", ne faisant qu'obéir aux ordres, certes, mais tout de même responsables des atrocités commises par le grand capital. ce texte est resté complètement ignoré jusqu'au jour ou churchill devait participer à une conférence au hamilton college de clinton (ny). soudainement, c'est la folie furieuse. bill o'reilly, qui brossait récemment le portrait des "professeurs anti-américains" affirme en ondes: "that man, ward churchill, is now spreading his vile opinion around the country. [...] you know what this is all about? this is about political correctness once again. that's what this is about. this guy is a native american. he feels that genocide was perpetuated on his race. and therefore, he can hate his country and say anything he wants." le gouverneur de l'état de new-york, george pataki, protestait, lui, en ces termes: "there's a difference between freedom of speech and inviting a bigoted terrorist supporter." ce à quoi churchill réplique: "i am not a 'defender' of the sept. 11 attacks, but simply pointing out that if u.s. foreign policy results in massive death and destruction abroad, we cannot feign innocence when some of that destruction is returned. the gross distortions of what i actually said can only beviewed as an attempt to distract the public from the real issues at hand and to further stifle freedom of speech and academic debate in this country." churchill fait l'objet d'une enquête en révision de la part de l'administration de l'université du colorado. pour emma perez, collègue de churchill, cela ne fait aucun doute, ce cas est le "national frontline of the neocon battle for dominance in academe" et préfigure d'autres purges du même genre dans les universités américaines.
ce cocktail déjà abject a réussit à le devenir d'avantage lorsqu'il a été révélé que plusieurs de ces éditorialistes de droite avaient été secrètement payés par l'administration bush pour mousser ses politiques à leurs auditeurs, par exemple sa réforme du système d'éducation (le "no child left behind act" - on notera au passage l'utilisation de l'expression apocalyptique left behind!)
ce qui m'embête encore plus ces temps-ci, c'est que ces restrictions multiples aux libertés individuelles (le patriot act, les croisades contre l'indécence, etc.), ne semblent pas choquer la plupart des républicains "libertariens". il s'agit réellement d'un effort en vue de l'établissement d'une double-pensée massive par un gouvernement central et rares sont ceux qui dénoncent cette hypocrisie de leur parti qui s'afffirme depuis longtemps comme pro-liberté et anti-gouvernement. une exception, paul craig roberts: on ne peut pas trouver plus républicain, il a été assistant secrétaire au trésor dans l'administration reagan en plus d'avoir été éditeur associé au wall street journal. pourtant, lui même se voit obligé d'admettre que la nature du débat a profondément changé sous le règne de bush fils. dans what became of conservatives? il s'interroge: "there was a time when i could rant about the 'liberal media' with the best of them. but in recent years i have puzzled over the precise location of the 'liberal media.' not so long ago i would have identified the liberal media as the new york times and washington post, cnn and the three tv networks, and national public radio. but both the times and the post fell for the bush administration’s lies about wmd and supported the us invasion of iraq. [...] in the ranks of the new conservatives, however, i see and experience much hate. it comes to me in violently worded, ignorant and irrational emails from self-professed conservatives who literally worship george bush. even christians have fallen into idolatry. there appears to be a large number of americans who are prepared to kill anyone for george bush." dans un article pour counterpunch how americans were seduced by war, il en rajoute: "americans have been betrayed. sooner or later americans will realize that they have been led to defeat in a pointless war by political leaders who they inattentively trusted. they have been misinformed by a sycophantic corporate media too mindful of advertising revenues to risk reporting truths branded unpatriotic by the propagandistic slogan, 'you are with us or against us.'"
je vous laisse sur une note plus légère, tirée de la série de strips humoristiques slowpoke, dessinés par jen sorensen:
Je partage votre opinion quand vous affirmez qu'on ne pourrait publier un texte comme l'extrait que vous citez de Thompson dans un journal de gauche contemporain. Au Québec en tout cas !
ReplyDeleteDe nos jours, les restrictions d'expression, la censure (il y a même une sensure, comme l'écrit Bernard Noël) portent les noms de «montage», «direct avec délai de cinq secondes», «qui ne se nomme pas ne mérite pas d’être entendu»…
Les observations de Paul Craig Roberts que vous rapportez, particulièrement sur le «liberal media», m'inspirent que les médias de masse actuels, bien que représentants respectés des diverses traditions en journalisme professionnel, sont avant tout l'instrument des pouvoirs établis. Quelles images et quels faits sont produits par ces processus d’information, le plus souvent étatisés ?
Les jours de grande insatisfaction à l’égard des médias de masse, je pense son emploi comme une saturation de l’information, pour empêcher qu’elle se constitue en messages compréhensibles. Ah ! Je vais alors, pour relaxer, relire mon MacLuhan.
Il faut, je crois, aller s’informer ailleurs. Ne pas trop se fier aux vérités ramassées au pas de notre porte.
Ainsi je reviendrai vous lire !
PGD